Rapport des Assises de lutte contre l'antisémitisme

L'IREL participe aux Assises de lutte contre l'antisémitisme

Destinées à réagir à la recrudescence d'actes et propos antisémites après l'attaque du 7 octobre 2023, les Assises de lutte contre l'antisémitisme se sont déroulées du 27 février au 28 avril 2025. Elles ont été constituées de deux commissions: Éducation dirigée par Marie-Anne Matard-Bonucci (professeure d’histoire et référente Racisme et Antisémitisme, Laïcité à l’Université Paris 8) et Justice dirigé par Richard Senghor (conseiller d'État). C'est ce 28 avril que leur rapport a été remis à la Ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche Élisabeth Borne et à la ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations Aurore Bergé, et rendu public. Stéphanie Laithier et Philippe Gaudin de l'IREL ont participé aux travaux de la commission Éducation et à la rédaction du rapport ministériel; Dominique Avon, Renaud Rochette et Jamal Ahbab ont fait partie des contributeurs.

Couverture du rapport des Assises de lutte contre l'antisémitisme


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Dans son introduction, le rapport rappelle que «l’antisémitisme est, depuis le 19e siècle, l’une des formes les plus efficaces des attaques lancées contre la démocratie. Le discours antisémite ne se contente pas de diriger la rancœur de l’opinion contre une partie de la population. Il mine la démocratie à travers trois processus. En essentialisant les Juifs indépendamment de la proximité ou non que chacun revendique pour lui-même avec le judaïsme, il porte atteinte au principe universaliste qui constitue l’horizon de son fonctionnement. En alimentant les théories du complot, il met en cause la transparence et le fonctionnement des institutions et fausse tout rapport à la vérité remplacée par des faits alternatifs. Enfin il légitime la violence en les désignant comme les principaux responsables du ressentiment que les populations entretiennent à l’égard d’un État qu’elles jugent défaillant à leur égard. Ce lien structurel entre antisémitisme et attaques de la démocratie caractérise l’ensemble des discours qui prennent les juifs pour cible jusqu’à devenir le carburant principal d’un populisme exercé aux deux extrêmes de l’échiquier politique en vue de la conquête du pouvoir» (p.11).

 

Pour la partie éducation, «la France apparaît comme le pays d'Europe dont les populations juives sont les plus exposées à l'antisémitisme» et c'est «au sein de la jeunesse que les préjugés antisémites sont les plus répandus». Or, malgré les efforts de l'Éducation nationale ainsi que «l'investissement et l'inventivité des enseignants», «force est de constater le caractère insuffisant des dispositifs existants» alors que «la formation et l'enseignement sont les leviers essentiels pour combattre l'antisémitisme». Le rapport préconise d'abord une formation initiale «solide et ambitieuse sur ces sujets» pour les enseignants et personnels d'éducation, ensuite une «transformation des programmes scolaires»«il convient d'inscrire l'histoire de l'antisémitisme dans une perspective de longue durée qui ne ferait pas l'impasse sur ses racines religieuses en introduisant une présentation de l'histoire des mondes juifs. En effet, l'histoire des juifs ne se réduit pas aux stigmatisation et persécutions dont ils ont été l'objet. Les auditions et les enquêtes montrent aussi la place importante que la question d'Israël occupe dans la genèse de discours et d'actes antisémites : l'histoire des conflits du Moyen-Orient ne doit pas être appréhendée exclusivement au prisme du géopolitique, mais être restituée dans la longue durée de l'histoire des mondes juifs et des nationalismes régionaux». Créer une «structure de formation adossée à la recherche» permettrait de «répondre aux besoins et aux exigences de formation des publics scolaires et universitaires, mais aussi de secteurs de la société où ces sujets sont particulièrement sensibles» (synthèse pp.4-5).

 

Pour la partie justice, si «l'antisémitisme ne fait l'objet, en tant que tel, d'aucune définition en droit positif» et est une notion «en particulier absente du code pénal», le rappport «n'estime pas souhaitable de figer une notion dont il a souligné combien elle était évolutive» et refuse «de créer un précédent dans un dispositif juridique caractérisé par son universalisme, qui punit sans distinction les auteurs de propos ou d'actes de haine quelles que soient les victimes, leur confession ou leur origine». Mais l'antisémitisme n'étant pas «réductible à d'autres formes de haine» et ayant sa «singularité» (n'induisant pas «une quelconque forme de hiérarchisation en droit des souffrances»), il «invite le gouvernement à se saisir de la définition élaborée par l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste» et déjà approuvée par l'Assemblée nationale et le Sénat pour «élaborer sans délai un document solide, complet et pédagogique à destination des parquets sous la forme d'une circulaire générale de politique pénale relative au traitement judiciaire des propos et des actes à caractère antisémite» (synthèse pp.5-6). Selon cette définition, «L’antisémitisme est une certaine perception des Juifs qui peut se manifester par une haine à leur égard. Les manifestations rhétoriques et physiques de l’antisémitisme visent des individus juifs ou non et/ou leurs biens, des institutions communautaires et des lieux de culte».