Un institut universitaire, s’appelant Institut d'étude des religions et de la laïcité, créé au sein de l’École Pratique des Hautes Études, a-t-il un lien avec la laïcité ? Répondre à cette question ne va pas du tout de soi pour ceux qui ne sont pas forcément familiers de l’histoire de l’enseignement supérieur et de la recherche.

En fait, le lien entre IREL et laïcité est consubstantiel et de plusieurs manières.

1 – Par la nature même de l’IREL et son lien à l’EPHE

L’IREL est un institut public, ses membres sont des fonctionnaires de la fonction publique d’État. L’article L141-6 du code de l’éducation rappelle dans des termes clairs que « le service public de l’enseignement supérieur est laïque et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique ; il tend à l’objectivité du savoir ; il respecte la diversité des opinions. Il doit garantir à l’enseignement et à la recherche leurs possibilités de libre développement scientifique, créateur et critique ».

L’École Pratique des Hautes Études (EPHE), qui fait partie de l’université de rang international PSL (Paris Sciences Lettres), est un grand établissement d’enseignement supérieur qui relève directement du ministère chargé de l’enseignement supérieur. L’EPHE propose des formations à la recherche par la pratique de la recherche et apporte une contribution originale dans le domaine de la formation tout au long de la vie.

L’IREL a été créé au sein de l’EPHE parce qu’il existe en son sein, depuis 1886, la cinquième section dite des sciences religieuses. Créée sous l’impulsion d’Albert Réville, cette section voit le jour durant la "guerre des deux France" entre catholiques et anticléricaux. La V^e Section de l’EPHE promeut une étude laïque des phénomènes, doctrines et systèmes religieux, qui ne sont pas réservés aux facultés de théologie. Une démarche en adéquation avec la société puisqu’en 1905, la France vote la loi de séparation des Églises et de l’État. Aujourd’hui, la V^e Section étudie autant les cosmogonies antiques que les phénomènes religieux les plus contemporains. De plus, une direction d’études (c’est-à-dire une chaire) Histoire et sociologie de la laïcité a été créée en 1991 au sein de la  Section des sciences religieuses. Quant à l’unité mixte de recherche EPHE/CNRS, le GSRL (Groupe Sociétés Religions Laïcités), elle met au cœur de ses recherches les questions liées à la laïcité et à la sécularisation.

2 – Par l’histoire de sa création

Le rapport de Régis Debray qui préconise la création d’un tel institut s’appelle L’enseignement du fait religieux dans l’école laïque. Cette question concerne donc bien la laïcité, ou plus exactement la pratique de la laïcité scolaire. L’enjeu est clair : non, la laïcité de l’école - et la laïcité en général - ne se mesure pas à l’ignorance du phénomène religieux, elle se mesure plutôt à son intelligence selon des critères qui sont ceux de la recherche scientifique toutes disciplines confondues et ceux de la pensée critique. Cette aventure de la connaissance ne peut que renforcer la laïcité comme protection et encadrement de la liberté de conscience et de culte par la loi républicaine qui s’impose à tous, a fortiori quand on vit dans une société marquée par le pluralisme convictionnel et religieux.

3 - Par son activité d’organisme de formation

L’IREL encadre le parcours Religions et laïcité dans la vie professionnelle et associative du Master sciences des religions et sociétés de l’EPHE.

L’IREL encadre le diplôme d'établissement Mondes religieux, Laïcité, Sociétés, ouvert au sein de l'EPHE depuis 2022-2023, en partenariat avec Sciences Po Lille.

L'IREL est impliqué dans l'organisation du diplôme d'établissement Etudes islamiques, ouvert au sein de l'EPHE depuis 2020-2021.

L’IREL a été associé au DU République et religions de l’université Paris-Saclay (Faculté Jean Monnet).

Depuis sa création, l’IREL a conduit de très nombreuses formations directement en lien avec la laïcité : auprès de l’Éducation nationale, du ministère de l’Intérieur, de l’École de la magistrature, de la Protection judiciaire de la jeunesse, de l’Assistance publique hôpitaux de Paris, du Centre national de la fonction publique territoriale, de municipalités, etc.

4 – Par son activité de centre d’expertise et de ressources

L’IREL organise des journées d’études, des colloques directement en lien avec la laïcité. Exemple : L’expression du religieux dans la sphère publique. Comparaisons internationales (2016), colloque organisé en collaboration avec le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et qui a fait l’objet d’une publication à la Documentation française.

Le site web de l’IREL présente un grand nombre de fiches présentant le contenu de publications portant sur la laïcité ainsi que d’autres ressources.

5- Par la publication d’ouvrages sur la laïcité

Exemples : 

Théorie de l’évolution et religions, Sous la direction de Philippe Portier, Michel Veuille et Jean-Paul Willaime. Actes du colloque des 14 et 15 mai 2009 au Lycée Henri IV, Riveneuve éditions, 2011. Ce livre permet de faire le point sur le rapport entre enseignement laïque et enseignement des sciences de la nature  

Vers une laïcité d'intelligence ? L'enseignement des faits religieux comme politique publique d'éducation depuis les années 1980, Philippe Gaudin, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2014. 

Double défi pour l'école laïque : enseigner la morale et les faits religieux. Sous la direction d'Isabelle Saint-Martin et Philippe Gaudin. Actes du colloque IESR Enseignement laïque de la morale et enseignement des faits religieux tenu les 18 et 19 octobre 2013 à l'EPHE, Riveneuve éditions, 2014.  

Tempête sur la laïcité, Philippe Gaudin, Robert Laffont, 2018.

Peut-on parler des religions à l’école ? Plaidoyer pour l’approche des faits religieux par les arts, Isabelle Saint-Martin, Albin Michel, 2019.