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Mawlid al-Nabawi

Par Ahbab Jamal

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L’islam, comme chacun le sait, ne connaît que deux fêtes… Oh, pardon ! Et le Mawlid alors ? La naissance du Prophète ! Comment expliquer que tant de musulmans célèbrent cet événement ?

En arabe, mawlid fait référence à la « naissance » (walada) : il peut s’agir de la date ou du lieu de naissance d’une personne. Par extension, ce terme en vient à désigner la naissance de Muhammad, puis la littérature la relatant.

Il est impossible aux historiens de dater précisément la naissance du Prophète. Cependant, les sunnites s’accordent pour la fixer au douzième jour du mois de Rabi‘ al-awal et les chiites, le 17 du même mois.

 

I – Une fête qui apparaît tardivement

 

Pour un homme issu des sociétés de l’Arabie préislamique, dont la préoccupation essentielle était d’assurer sa survie, connaître sa date de naissance ne présentait guère d’intérêt. Aussi n’est-il pas surprenant que les débuts de l’islam n’aient pas été marqués par la commémoration de la naissance de Muhammad.

C’est bien plus tard, à l’époque impériale, que la figure du Prophète (Nabî) de l’islam fut sacralisée. Naturellement, les lieux qu’il avait fréquentés puis tout ce qui tourna autour de sa personne le furent par capillarité.

Il revient à la concubine du calife abbasside al-Mahdî (775-785), une esclave yéménite répondant au nom d’al-Khayzurân - qui fut par ailleurs la mère d’Hârûn al-Rashîd (786-809) - de s’approprier la maison natale du Prophète à la Mekke et d’en faire un lieu de prière. Avec le temps, cette dernière acquit la réputation de dispenser la baraka (la bénédiction divine).

Dans un premier temps, des cérémonies restreintes furent mises en place. A l’occasion de cet anniversaire, dans le Hijaz, la maison natale de Muhammad restait ouverte toute la journée afin d’accueillir les visiteurs. Au Caire, les dignitaires fatimides organisaient quant à eux une procession qui s’achevait devant le palais du calife par l’organisation d’un banquet et la distribution de présents qui renforçaient le prestige du Fatimide. De ces réjouissances, les sujets non-chiites du califat semblaient alors exclus.

Nourris par les récits émanant du chiisme qui honorait précocement la venue au monde des membres de la famille du Prophète (Ahl al-Bayt), encouragés par les confréries religieuses et probablement influencés par les pratiques chrétiennes relatives à la Nativité, les sunnites adoptèrent massivement cette fête du Mawlid au XIIIe siècle. Et elle se diffusa rapidement dans le Dar al-Islam.

 

II – Une célébration controversée

 

Naturellement, ni le Coran, ni la Sunna (la tradition attribuée au prophète Muhammad) ne recommandaient une telle pratique. Les juristes (‘Ulama’) les plus littéralistes décrétèrent donc que cette fête relevait des innovations blâmables (bid‘a madhmûma), qui vont à l’encontre de la volonté divine. Selon eux, célébrer un anniversaire – fut-ce celui du Prophète – éloigne de l’adoration de Dieu telle que la conçoit l’islam… D’autant que cette pratique n’apparaissait en définitive que comme un décalque du Noël chrétien. Une position pourtant assumée par un juriste de Ceuta, Abû l-‘Abbas al-‘Azafi, qui aurait introduit cette fête au Maghreb au début du XIIIe siècle : il s’agissait alors pour lui de mettre un terme à la participation des populations musulmanes aux fêtes chrétiennes à une époque marquée par la rétraction du Dar al-Islam face à la poussée des royaumes ibéro-chrétiens en Méditerranée occidentale.

 

III – Des pratiques désormais enracinées.

 

Aujourd’hui, certains courants néo-fondamentalistes se réclamant de la salafiyya - dont l’objectif est de régénérer l’islam en revenant à la tradition des « pieux ancêtres » (salaf-s) - rejettent à nouveau la légitimité de cette commémoration. Pour d’autres, célébrer la naissance du Prophète revient à glorifier la naissance de l’islam, ce qui ne peut être considéré comme contraire aux principes de cette religion.

Quoiqu’il en soit, pour les sunnites, l’ijma‘ ou consensus est une des sources du droit. Ainsi, la reconnaissance par la communauté des croyants de l’anniversaire du Prophète est un gage de son islamité. Et aujourd’hui, de nombreux pays à référence musulmane ont fait du Mawlid al-Nabawî un jour férié : c’est l’occasion de se régaler des spécialités régionales avant de prendre part, si on le souhaite, aux nombreuses processions, cérémonies de dhikr (évocation divine) et récitations du Coran qu’organisent les communautés musulmanes à travers le monde.

 

(Photo : troupe de musiciens durant la fête en Tunisie, Cheima Fezzani)

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Référence du document

« Ahbab Jamal, Mawlid al-Nabawi » , 2018 , IESR - Institut d'étude des religions et de la laïcité , mis à jour le: 10/12/2018, URL : https://irel.ephe.psl.eu/ressources-pedagogiques/fiches-pedagogiques/mawlid-al-nabawi

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