Tableaux généalogiques, chronologie, bibliographie, notes, index.
Sommaire
Résumé
Dans ce riche ouvrage de synthèse, nourri à la fois des biographies anciennes (P. Des Maizeaux au XVIIIe siècle) et des travaux modernes (E. Labrousse au XXe siècle), Hubert Bost peint la haute figure de l’homme de lettres et essayiste Pierre Bayle (1647-1706), proposant de renouveler l’approche de celui que l’on a pu appeler « le philosophe de Rotterdam ». Issu d’une famille calviniste ariégeoise, fils de pasteur (chap. I), il est formé à l’Académie protestante de Puylaurens pour devenir ministre de l’Église réformée. Toutefois, peu après son arrivée au Collège jésuite, où il suit les cours en auditeur libre (1669), il se convertit au catholicisme pour des raisons intellectuelles. Mais, pour des raisons existentielles, il retourne en août 1670 dans la communauté protestante, ce qui le place dans la catégorie honnie des relaps (chap. II). Exilé à Genève, il exerce des fonctions de précepteur et se passionne pour les questions religieuses, notamment la querelle de la double prédestination (chap. III). Enfin, après quelques années en France pour achever sa formation littéraire (chap. IV et V), il s’installe définitivement aux Provinces-Unies, à Rotterdam, à partir de 1681 (chap. VI), rejoignant avec les réformés persécutés en France « la grande arche des fugitifs » (p. 157). L’homme peu dévot, de santé fragile et sujet à de fortes migraines, sensible aussi bien au scepticisme qu’à la foi de sa jeunesse calviniste, entreprend une carrière d’écrivain protestant.
Impliqué dans différents champs (théologique, intellectuel ou épistémologique), P. Bayle est proche des églises wallonnes, communautés francophones fondées dans les Provinces-Unies par les calvinistes, où il continue son enseignement. Il publie alors son premier ouvrage (chap. VII), la Lettre sur les comètes (1682), défiant la théologie catholique sur des points difficiles (miracles, présages, athéisme), dénonçant le ridicule de l’astrologie, et fondant son argumentation sur la science (physique et logique). Les difficultés et les chagrins, comme la mort de son frère Joseph en 1684 (chap. VIII), affligent P. Bayle, mais ne le font pas dévier de son stoïcisme chrétien. Son activité profuse prend aussi la forme du journalisme, avec les Nouvelles de la République des lettres (1684-1687), qui insère P. Bayle dans le réseau du monde savant, comme l’Académie française (chap. IX). Partisan de la coexistence confessionnelle, notamment dans le royaume de France marqué par la révocation de l’édit de Nantes et les persécutions antiprotestantes (chap. X), il donne une place éminente au pouvoir politique comme instance de médiation, afin de « renoncer à être le seul parti qui a raison » (p. 297). La multiplicité de ses prises de position lui vaut néanmoins de nombreux contradicteurs, dont le théologien protestant Pierre Jurieu (chap. XI et XII).
Ses réflexions audacieuses sur l’idolâtrie et la superstition, pires selon lui que l’athéisme, prennent forme dans le vaste chantier intellectuel et typographique, le Dictionnaire historique et critique (1696). Ce grand ouvrage, projet longtemps mûri, qui annonce le travail de l’Encyclopédie, remet en cause le mythe fondateur de la société chrétienne et de sa supériorité (chap. XIII). Le problème du mal est ainsi abordé par le biais de la contradiction entre la toute-puissance divine, qui est bonté, et l’existence du mal, sans que P. Bayle ne fournisse de réponse tranchée. L’article « David » est aussi un exemple de relecture radicale du personnage tenu pour l’ancêtre du Christ. L'auteur montre bien que cette position moderne est nuancée, dans la mesure où le refus du sectarisme n’a pas pour conséquence une confiance absolue dans la raison. Le succès du Dictionnaire est vif, bravant la censure politique en France et ecclésiastique en Hollande (chap. XIV). Toutefois, P. Bayle est souvent soupçonné de dissimulations multiples, d’obscénité, de mécréance ou de socinianisme, car son évolution confessionnelle, fondée sur le doute méthodique, n’a pas laissé indifférent ses contemporains. En effet, particulièrement à la fin de sa vie, cet homme réputé s’attaque à la prétendue rationalité du christianisme, et accepte la mort avec sérénité, achevant un parcours critique entre la foi et la raison (chap. XV). Possédé par le besoin d’écrire, « comme si l’écriture était sa respiration » (p. 465), et bien oublié au XIXe siècle, P. Bayle, philosophe chrétien, esprit inclassable (chap. XVI), « homme libre et penseur libre » (p. 519), retrouve avec cette biographie détaillée les honneurs de la librairie.
Points forts
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L’approche chronologique offre un tableau très dense non seulement de la vie et des idées de l’érudit protestant, mais aussi de l’arrière-plan politique, religieux et culturel qui a donné naissance à ses idées novatrices. Le contexte géographique et historique dans lequel s’enracinent les idées de P. Bayle est précisément décrit.
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Une grande finesse dans l’analyse des sources, souvent partisanes ou hagiographiques, et des écrits originaux de P. Bayle (des extraits nombreux sont donnés dans le corps du texte, notamment sa correspondance), ce qui permet au lecteur d’appréhender d’une part les théories du XVIIe siècle, et de comprendre d’autre part l’apport capital de P. Bayle dans l’évolution de la pensée protestante.
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Une mise en perspective tendant à l’objectivité, qui n’oublie pas les nuances d’une pensée parfois complexe, et qui mentionne sans polémique les débats historiographiques.
Utilisation possible dans les programmes scolaires
Classe |
Discipline |
Thèmes du programme |
Quatrième |
Histoire |
Les divisions de l'Europe chrétienne entre catholiques et protestants (17e siècle) |
Quatrième |
Histoire |
La philosophie des Lumières et la laïcisation des sociétés (18e siècle) |
Seconde |
Histoire |
Humanisme et Renaissance : Réformes protestante et catholique (Renaissance) |
BM
Domaines religieux : Christianisme, Christianisme : Origines et corpus : Théologie, Christianisme : Période : Humanisme chrétien, Christianisme : Doctrines et courants : Églises protestantes
Guide des ressources : Recherche : Ouvrages
Référence du document
Recension : « Bost Hubert, Marceau Bertrand, BOST Hubert, Pierre Bayle, Paris, Editions Fayard, 2006, 684 p. » 2008, , IESR - Institut d'étude des religions et de la laïcité , mis à jour le: 12/16/2016, URL : https://irel.ephe.psl.eu/ressources-pedagogiques/comptes-rendus-ouvrages/bost-hubert-pierre-bayle-paris-editions-fayard-2006