Sommaire

Résumé

En 1598, après des années de conflits religieux, le roi Henri IV veut « marier la France avec la paix » (p. 27) par le moyen de l'édit de Nantes, qui accorde le respect de la conscience des protestants et l'égalité civile. Publié au mois d'avril, et connu des contemporains seulement dans l'été suivant, ces quatre textes ont très tôt été contestés par les catholiques et peu appréciés des protestants (ch. 1). L'action des catholiques intransigeants et notamment des capucins retarde l'enregistrement de l'édit, qui a besoin des parlements pour avoir force probatoire. Les réformés ne sont pas satisfaits non plus, car l'édit ne leur donne pas les concessions qu'ils espéraient. Bien que réelle, la liberté de culte est limitée. La coexistence confessionnelle pacifique qui en résulte prend la place de l'unanimité religieuse (ch. 2). Le schisme protestant a brisé le rêve d'unité, forçant difficilement les mentalités à accepter les différences. Les réformateurs protestants ont promu la liberté de conscience plutôt par volonté de concorde que par respect de la diversité des opinions religieuses. En ce sens, « Luther n'a jamais été tolérant au sens actuel du terme » (p. 70), et la tolérance chez Érasme même est restrictive. Toutefois, le pluralisme s'installe lentement dans les pays protestants (ch. 3). Malgré quelques condamnations au bûcher, comme Michel Servet brûlé à Genève en 1553, certains dissidents protestants refusent peu à peu l'intransigeance confessionnelle. Au XVI^e siècle, Sébastien Castellion est un exemple de réformé qui proscrit la peine de mort en cas d'erreur religieuse. Dans les Provinces-Unies, qui forment un État réformé, on trouve même au XVII^e siècle une tolérance de fait, sinon de droit. « La tolérance pacifique repose sur une tolérance pratique » (p. 144).

La richesse du cas anglais est examinée de plus près (ch. 4). Suite au schisme d'Henri VIII en 1534, les lois royales intolérantes conduisent à un culte public uniforme, punissant d'amende quiconque est absent au service dominical. L'Église d'Angleterre, qui est un gage d'unité nationale, doit faire place aux sectes protestantes, comme les Quakers ou les Presbytériens. Ainsi le général presbytérien Cromwell accueille des réfugiés juifs portugais en 1656. La pluralité protestante ne va pas de soi, mais l'idéal de concorde est réactivé à la fois de manière théorique (publication de l'Essai sur la tolérance de John Locke en 1667) et de manière pratique (vote du Toleration Act suite à la Grande Révolution de 1689). Alors que la fin du XVII^e siècle est marquée par l'affirmation progressive de la liberté de conscience en tant que droit, la Révocation de l'édit de Nantes en 1685 crée un choc.

Le chemin vers la tolérance positive germe tout particulièrement depuis le XVIII^e siècle (ch. 5). Publiées en 1734, les Lettres philosophiques de Voltaire relatent l'expérience de la tolérance entre confessions chrétiennes, à partir de son voyage en Angleterre. En France, ces idées connaissent une traduction juridique en 1787, lorsque l'édit de Louis XVI crée un état civil laïque pour les non-catholiques, après bien des oppositions. Formés sous l'Ancien Régime, les hommes de la Révolution française et de l'Empire n'accordent que progressivement la liberté religieuse. À cet égard, l'émancipation des juifs de France est la conséquence d'un long combat, qui aboutit en 1791 au vote par l'Assemblée de l'égalité des droits, mais il faut attendre 1859 en Italie ou 1866 en Angleterre pour voir ce mouvement s'étendre. Cependant, la construction de la tolérance n'est pas exempte d'ambiguïtés à l'origine des polémiques actuelles. En effet la tolérance confère souvent à une confession religieuse la place hégémonique, alors que l'indifférence cherche à laisser libre chaque religion de s'exprimer.

Points forts

• Des éclairages fournis sous forme de tableaux sur des notions (tolérance, liberté), des pays (Pologne) ou des auteurs (J. Bodin).

• Des textes riches en annexe, de l'édit de Nantes jusqu'à des enquêtes contemporaines, utiles pour une dissertation ou pour un cours.

• Un ton libre, de facture agréable, dégagé de certaines convenances, mais justifié toujours par une série d'arguments.

B.M.