NICAULT Catherine, La France et le sionisme (1897-1948). Une rencontre manquée ?, Paris, Calmann-Levy, coll. « Diasporas », 1992, 319 p.
Sommaire
Résumé
Catherine Nicault adopte dans cet ouvrage une attitude résolument « politique » en choisissant de faire l'histoire des relations de la France et du sionisme. Il s'agit d'une histoire diplomatique réalisée en grande partie à travers l'étude approfondie des fonds d'archives du quai d'Orsay.
Selon la stratégie développée par Herzl, le succès devait venir grâce à la diplomatie. S’appuyant sur un effort important de propagande auprès des grandes puissances, Herzl souhaitait obtenir de l'Empire ottoman une charte autorisant l'installation des Juifs en Palestine. Toutefois, cette stratégie s'avéra vite peu efficace.
Seuls les instances communautaires juives et les milieux antisémites furent un peu réceptifs aux nouvelles des premiers congrès. En France, le sionisme suscita essentiellement de l'appréhension auprès des israélites attachés à la République et fiers de leur réussite sociale. Le soutien des antisémites à la cause sioniste dans les premières années contribua également à semer le trouble.
Les relations entre l'organisation sioniste mondiale et le quai d'Orsay furent marquées par un mépris réciproque, Herzl privilégiant largement les liens avec le Royaume-Uni. Alors que la chute de l'empire Ottoman se précisait, l'indifférence se changea en méfiance. Le sionisme français, dirigé par Nordau, Marmorek et leurs fidèles, alors en conflit avec la direction mondiale, fut écarté des grandes discussions. Lors de la Grande Guerre, la direction sioniste mondiale traita directement avec les autorités françaises, sans convier les responsables sionistes français, ce qui contribua à nuire au prestige de l'idéologie dans l’hexagone et à renforcer ses divisions. C'est ainsi que Sokolov rendit visite à Cambon, en 1917, puis en 1918.
Le premier obtint du second une déclaration d'intention encourageante. L’auteur souligne l'étrange destin de la déclaration Cambon (texte p. 81), éclipsée au bout de quatre mois par la fameuse déclaration Balfour. Il semble que l'anglophilie de Weizmann ait primé dans le choix de privilégier la déclaration Balfour et d’en faire la promesse diplomatique majeure. Dans le jeu très complexe qui se déroulait autour du Levant, le sionisme prit appui sur la Royaume-Uni, ce que ne manquèrent pas de noter certains pamphlétaires, comme Joseph Reinach qui s'attaqua aux alliances nouées par les sionistes avec la Perfide Albion. Les frêles relais sionistes en France ne purent renverser une opinion toujours hostile au sionisme, tant chez les non-Juifs que chez la majorité des Juifs, et ce malgré la constitution de la Ligue des amis français du sionisme qui réussit à obtenir un certain auditoire auprès des instances françaises. Après la conférence de San Remo, le sionisme entama une nouvelle période de son existence, menant au renforcement de la colonisation en Palestine, en France cependant, il resta balbutiant et inaudible.
Au cours de l'entre-deux-guerres, les relations franco-sionistes tendirent à s'améliorer. Les sionistes, notamment Weizmann, ne négligèrent plus autant la France qu'auparavant ; ils relancèrent la presse sioniste et soutinrent le comité France-Palestine. Pour autant, les attitudes changèrent peu, et ce malgré une vague d'intérêt pour la Palestine lancée par les reportages de grands écrivains sur le yishouv, notamment Joseph Kessel. Les israélites restèrent très distants vis-à-vis du sionisme, les colonialistes, les catholiques et les communistes y demeurèrent hostiles et la majeure partie de la population indifférente.
Avec la crise anglo-sioniste qui débuta avec les émeutes arabes de 1929, Weizmann tenta de se tourner davantage vers la France. Le quai d'Orsay se montra attentif, mais peu enclin à céder aux injonctions de soutien inconditionnel demandé par Weizmann. L'arrivée au pouvoir du Front populaire passa pour une opportunité dans la mesure où le gouvernement comprenait alors des sympathisants sionistes. Mais les autorités françaises, soucieuses alors de ne pas froisser leur dernier allié démocratique en Europe, calquèrent leurs déclarations sur celles du Royaume-Uni. Néanmoins, en dépit de cette suite d'échecs diplomatiques et l'indigence du sionisme organisé en France, l'idée sioniste tendit à acquérir une légitimité auprès des Juifs de France.
Durant la guerre, les relations diplomatiques entre les gaullistes et les sionistes ont suivi à peu près le même chemin. Catherine Nicault utilise le terme « d'amitié platonique ». Les immédiates années d'après-guerre coïncident néanmoins avec la période la plus philo-sioniste de la diplomatie française, attitude qui correspond à une série de revirements diplomatiques à l'égard de l'État d'Israël, dont celui de l'URSS n’est pas des moindres.
L'auteur dresse en conclusion le constat des multiples vicissitudes des relations franco-sionistes qui sont encore à l’origine, selon elle, de bien des incompréhensions actuelles entre la France et Israël.
Points forts
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Une étude qui reste une référence depuis sa sortie.
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Un excellent livre d'histoire politique diplomatique à même d'éclairer sous un angle original les relations internationales au cours de la première moitié du XXe siècle.
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Appareil critique développé, essentiel pour tout chercheur.
V.V.
Domaines religieux : Judaïsme, Judaïsme : Territoires : France, Judaïsme : Territoires : Israël
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Référence du document
Recension : « Nicault Catherine, La France et le sionisme (1897-1948). Une rencontre manquée ? » Calmann-Levy, coll. « Diasporas », 2009, 319 p., , IESR - Institut d'étude des religions et de la laïcité , mis à jour le: 12/16/2016, URL : https://irel.ephe.psl.eu/ressources-pedagogiques/comptes-rendus-ouvrages/france-sionisme-1897-1948-rencontre-manquee