Chronologie, bibliographie.
Sommaire
Résumé
Dans cet ouvrage consacré au jansénisme, si la question posée par l’auteur est relativement simple dans sa formulation, elle s'avère complexe pour les enjeux historiques et religieux qu'elle suppose : « Comment et pourquoi une querelle portant sur un point de dogme a-t-elle pu s’amplifier jusqu’à prendre des couleurs de tragédie et devenir un facteur d’ébranlement de l’Église hiérarchique et de l’État monarchique » (p. 7) ? En effet, cette dispute théologique porte à l’origine sur les rapports entre la liberté de l’homme et la toute-puissance de Dieu, mais son extension touche les domaines politiques et sociaux de l’Ancien Régime.
L’auteur examine d’abord les racines théologiques du problème, car la question des rapports entre la grandeur infinie de Dieu et la volonté humaine traverse toute l’histoire du christianisme (chap. 1). L’auteur explique ces débats depuis la querelle de la grâce, au temps d'Augustin, jusqu’au concile de Trente, à la fin du XVIe siècle. À la suite du renouvellement des études sur Augustin au XVIIe siècle, les jansénistes mettent l’accent sur l’action de la grâce divine plutôt que sur la liberté humaine.
Est ensuite étudié l’exemple le plus célèbre du jansénisme, celui de Port-Royal, abbaye fondée au XIIIe siècle (chap. 2). La réforme de ce couvent par Mère Angélique Arnauld au début du XVIIe siècle permet la création d’un foyer religieux intense, au moment de la publication de l’Augustinus (1640). Ce livre posthume, rédigé par l’évêque d’Ypres Jansénius, rassemble des maximes d'Augustin. Le choc se produit alors de la rencontre entre les thèses d’un pur intellectuel, Jansénius, et les visées pastorales plus pragmatiques des Messieurs de Port-Royal. Après quelques années de quiétude, la répression s’abat sur l’abbaye, en dépit du soutien de Pascal, et ce, parce que Louis XIV considère les jansénistes comme des ennemis politiques. Malgré les persécutions, le jansénisme trouve en France au XVIIe siècle un terreau fertile, qui s’inscrit dans le courant de la Réforme catholique française (chap. 3). La pensée janséniste, opposée à celle des Jésuites, marque profondément l’esprit de ce siècle. Réaction anti-baroque au catholicisme romain, elle prône un style de vie rigoureux et une grande austérité morale, sans excès ostentatoire, à contre-courant de la célébration du roi Soleil. C’est pourquoi la riche chapelle janséniste perdure au XVIIIe siècle, malgré des rapports tumultueux avec les autorités politiques (chap. 4). Face à la sécularisation et à la montée de l’incroyance, « le jansénisme représente ensuite le bastion du gallicanisme anti-pontifical » (p. 110). Il forme un parti d’opposition rassemblant non seulement des évêques mais aussi de simples fidèles, parfois rejoints par des magistrats et des parlementaires. De l’héritage janséniste, aussi bien sur la célébration du culte que sur l’enseignement de la foi, il subsiste de nombreux éléments, dont la recherche de la perfection, ou le souci de ne pas profaner les sacrements (chap. 5). Ainsi la transformation du parti janséniste en parti patriote a pu être analysée comme l’une des causes de la Révolution, par la critique qu'il faisait du double despotisme ecclésiastique et politique. Sa modernité apparaît aussi à travers son foisonnement religieux et intellectuel : le contact direct avec la Bible, l’éducation du peuple chrétien et la place donnée aux laïcs et aux femmes.
Points forts
-
Un ouvrage de lecture accessible sur le plus grand choc religieux depuis la Réforme, qui met le fidèle face à la grandeur infinie de Dieu qui dépasse le néant de l’homme.
-
Les liens entre querelle théologique et histoire politique sont bien mis en valeur, expliquant l’influence durable du jansénisme et son rôle dans les transformations religieuses du XVIIIe siècle, notamment en France.
BM
Domaines religieux : Europe et religions : France, Christianisme, Christianisme : Politique et société, Christianisme : Doctrines et courants : Église catholique
Guide des ressources :
Référence du document
Recension : « Marceau Bertrand, Hildesheimer Françoise, HILDESHEIMER Françoise, Le jansénisme en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Éditions Publisud, « Courants universels », 1991, 221 p. » 2008, , IESR - Institut d'étude des religions et de la laïcité , mis à jour le: 12/16/2016, URL : https://irel.ephe.psl.eu/ressources-pedagogiques/comptes-rendus-ouvrages/hildesheimer-francoise-jansenisme-france-aux-xviie