Sommaire

Résumé

En partant d’une enquête de terrain et avec de nombreuses références, l’auteur examine le fonctionnement réel (et non idéel) de la laïcité à la française. Son projet : ni « abattre » ni « promouvoir » la laïcité, mais la questionner afin de la faire évoluer vers une meilleure application de ses propres principes.

La laïcité, encore objet de débats il y a un siècle, est aujourd’hui acceptée par tous les acteurs sociaux. Du coup, elle n’est souvent ni pensée, ni réfléchie. La position officielle est passée d’une incompétence proclamée de l’État à la fin du XIX^e siècle à une neutralité affichée, liée à un pouvoir d’intervention fréquent et organisé dans le domaine religieux qui a, de fait, un effet discriminant : l’État a ainsi le pouvoir d’accorder le statut d’association cultuelle qui est une forme de reconnaissance donnant lieu à des avantages fiscaux et à une représentation dans des organismes officiels. Les interventions de l’État français en matière religieuse sont ainsi beaucoup plus nombreuses que dans beaucoup des pays occidentaux non « laïques ».

L’auteur développe ainsi l’opposition entre une « neutralité neutralisante (tendance à représenter négativement les différences culturelles/religieuses comme des problèmes) et une neutralité différenciante (tendance à représenter positivement les différences culturelles/religieuses) » et montre que la neutralité affichée par l’État procède beaucoup plus d’un choix politique que d’une position philosophiquement neutre.

Les outils institutionnels de contrôle du religieux sont nombreux et focalisent leur action, depuis une vingtaine d’années, sur deux questions : les sectes et l’islam. Après une période quasi inquisitoriale au moment du rapport Vivien (1984), la question des sectes s’est apaisée, mais elle reste encore aujourd’hui l’objet de nombreux débats. Les relations avec l’islam sont actuellement au centre des préoccupations. Après la période coloniale, l’islam en France ne posait pas particulièrement de problème mais depuis les années 1980, notamment après les premiers attentats du FIS (Front islamique du salut, parti politique algérien), l’État a commencé à faire pression sur les musulmans de France afin d’obtenir de leur part une représentation unique qui puisse être un interlocuteur autorisé pour l’État.

Selon l’enquête de terrain, l’auteur montre que l’islam de France fait l’objet d’une méconnaissance flagrante : les travaux de la commission Stasi ont mis en avant la notion de « voile imposé » pour justifier le rapport final (qui aboutira à la loi du 15 mars 2004 comprenant l’interdiction du port de signes religieux ostensibles à l’école publique), alors que l’enquête montre bien plus souvent un « voile choisi » par celles qui le portent.

Ces deux types d’arguments ainsi qu’une observation du bouddhisme récemment perçu en France comme étant une « bonne religion » (c’est-à-dire adaptée à la modernité laïque), font craindre à l’auteur un blocage autour d’une « pensée unique », unique parce que non critique.

Points forts :

• Un livre aux arguments méthodiques et détaillés sur l’application de la laïcité en France.

• Un questionnement sans concession qui met en lumière les risques des impensés de la laïcité.

• Une présentation agréable, avec de nombreuses notes et des encarts qui aèrent la lecture, et permettent d’évoquer des sujets annexes rapidement sans en faire un chapitre, ou d’exposer les résultats de l’enquête de terrain.

• Des notes de bas de page fouillées. Une bibliographie importante et pratique, classée en 3 parties : textes administratifs ; ouvrages ; articles.

Usage dans les programmes scolaires :

M.A.