Le trèfle et la Guinness
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Depuis quelques années, la Saint-Patrick, fête irlandaise par excellence, a gagné en popularité hors de sa communauté d’origine. Pour tout un chacun, c’est devenu l’occasion de plonger dans les pires clichés concernant l’Irlande en se prenant pour un grand gaillard roux buveur de bière brune (sans modération).
L’évangélisateur
Saint Patrick joue un rôle important dans la culture irlandaise car il est considéré comme l’évangélisateur de l’île. D’après les chroniques et hagiographies rédigées bien après sa mort, il serait né vers 386 et mort vers 460. Toutefois, les historiens modernes considèrent qu’il a vécu légèrement plus tard et serait mort vers 493. Ce rajeunissement permet de faire correspondre le début de la mission de Patrick en Irlande à 432, soit sensiblement au moment de l’arrivée de Palladius, premier évêque de l’île.
Patrick est né dans l’aristocratie municipale britto-romaine. Patrick (Patricius) n’est peut-être pas son nom de naissance, mais le nom qu’il prend après son ordination, et qui rappelle son origine noble. La (Grande) Bretagne est alors romaine et chrétienne : le père de Patrick était diacre et son grand-père, prêtre. À 16 ans, Patrick est enlevé par des pirates irlandais et passe six ans à garder des troupeaux comme esclave. C’est alors qu’a lieu sa conversion. Selon la légende, il parvient à s’échapper grâce à une vision. Revenu en (Grande) Bretagne, il repart cette fois en Gaule, pour y recevoir sa formation de clerc. Il est ordonné par saint Germain d’Auxerre, puis décide de retourner en Irlande pour évangéliser la population.
Rappelons que l’Irlande est en dehors de l’Empire romain, mais elle n’est pas vide de chrétiens. En 431, le pape Célestin (r. 422-432) envoie Palladius prendre en charge les chrétiens de l’île, en particulier pour éviter la propagation de l’hérésie pélagienne. Qu’elle ait eu lieu en même temps ou après, la mission de Patrick a pour objectif la conversion des païens. Cette mission est un succès : à sa mort le 17 mars (460 ? 493 ?), l’Irlande est majoritairement chrétienne, et la vitalité de la spiritualité irlandaise fait de l’île un des cœurs de la Chrétienté pendant le Haut Moyen Âge.
Le saint patron de l’Irlande
L’action de Patrick lui vaut d’être rapidement canonisé par la piété populaire et être considéré comme l’évangélisateur et saint patron de l’Irlande. Dès le Xe siècle, la Saint-Patrick est une fête très populaire.
Plusieurs légendes entourent la prédication de saint Patrick. Dans l’une d’entre elles, Patrick chasse les serpents d’Irlande, allusion à peine voilée à la disparition du paganisme et qui explique ainsi l’absence de serpents dans l’île.
Dans une autre légende, Patrick utilise un trèfle, que l’on trouve aisément en Irlande, pour expliquer ce qu’est la Trinité (trois éléments distincts mais indissociablement unis). C’est pourquoi Patrick est souvent représenté tenant un trèfle dans la main droite. La plante, et plus largement la couleur verte, sont au même titre que saint Patrick, les symboles de l’Irlande. Il est de coutume de porter du vert et/ou un trèfle pour la Saint-Patrick.
Fixée au 17 mars, la Saint-Patrick se déroule ainsi en plein Carême. L’importance de la fête est telle que les interdictions concernant l’alimentation et la boisson sont levées, ce qui explique que la consommation d’alcool (pas toujours avec modération), soit un des éléments constitutifs de la Saint-Patrick. Celle-ci se charge alors d’une dimension non-religieuse, élément expliquant en partie le glissement progressif de la célébration religieuse du saint évangélisateur de l’Irlande aux réjouissances séculières autour de la mémoire d’une figure majeure de l’histoire irlandaise.
D’une fête de la diaspora à une fête nationale
L’attachement à saint Patrick est un des éléments qui soudent les communautés irlandaises qui ont émigré hors de l’île : la construction d’églises et de cathédrales Saint-Patrick par les Irlandais installés dans l’empire colonial britannique ou aux États-Unis en est une des manifestations les plus visibles. Ces émigrés emportent avec eux la célébration de la Saint-Patrick, qui devient un temps fort de la vie de la diaspora irlandaise. C’est du reste dans la diaspora (en particulier aux États-Unis et au Canada) que la fête gagne en importance et qu’elle acquiert plusieurs de ses caractéristiques.
La Saint-Patrick est célébrée en Amérique du Nord depuis la fin du XVIIIe siècle, avant même l’indépendance des États-Unis. C’est là qu’ont lieu les premiers défilés de la Saint-Patrick, qui sont depuis un des passages obligés de la fête. Au départ, elle est portée par des immigrants protestants soucieux de conserver une coutume de leur lieu d’origine mais, au cours du XIXe siècle, avec l’arrivée d’Irlandais catholiques fuyant la Grande Famine, elle prend un tour plus nettement patriotique. Aujourd’hui, la Saint-Patrick est surtout l’occasion de valoriser la communauté irlando-américaine et sa contribution à l’histoire des États-Unis. Depuis 1962, la ville de Chicago teint les eaux de la ville en vert pour la Saint-Patrick, idée reprise par de nombreuses villes, jusqu’à la fontaine se trouvant devant la Maison Blanche. Aujourd’hui, la Saint-Patrick est ainsi célébrée au-delà de la communauté irlandaise.
En Irlande, la Saint-Patrick a longtemps été une fête religieuse ; les autorités britanniques puis irlandaises ont tenté de limiter, voire d’interdire, la consommation d’alcool à la suite de nombreux excès. Néanmoins, elle est devenue un jour férié en 1903, année du premier défilé de la Saint-Patrick dans l’île. Dans l’Irlande indépendante, la fête n’a longtemps pas eu de résonance particulière.
Ainsi, lors du conflit nord-irlandais, les autorités unionistes n’observent pas le jour férié. La Saint-Patrick est rarement célébrée en public, et elle devient un marqueur de la minorité catholique nationaliste. Cependant, certains unionistes protestants, comme les orangistes, décident de se réapproprier la figure de saint Patrick. Depuis la fin du conflit, la Saint-Patrick est devenue un événement plus fédérateur, avec la tenue de défilés inter-confessionnels.
Ainsi, à partir de 1996, les autorités irlandaises, devant le succès de la Saint-Patrick à l’étranger, décident de la mettre en avant, à travers le Festival de la Saint-Patrick, rassemblant les Irlandais et donnant une image positive et moderne du pays
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Référence du document
« Rochette Renaud, Les origines de la Saint-Patrick » , 2017 , IESR - Institut d'étude des religions et de la laïcité , mis à jour le: 17/03/2017, URL : https://irel.ephe.psl.eu/ressources-pedagogiques/fiches-pedagogiques/origines-saint-patrick