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La mosquée, masjid en arabe, est un « lieu de prosternation ». Les musulmans pratiquants s’y rendent généralement le vendredi, mais éventuellement aussi les autres jours de la semaine. Ils y accomplissent le rituel de la prière, qui est le second des cinq piliers de l’islam.
La maison du prophète Muhammad est la première mosquée connue : il s’agissait d’une grande cour carrée, flanquée sur l’un des côtés de plusieurs pièces en enfilade correspondant aux espaces privés de Muhammad ; des feuilles de palmiers bordaient deux autres côtés, procurant ainsi de l’ombre aux fidèles. Mais c’est surtout la mosquée de Damas (706-715), édifiée sur ordre du calife omeyyade al-Walîd, qui servira de modèle pour les mosquées bâties par la suite. Comme dans la maison-mosquée du Prophète, elle présente un espace ouvert et un espace couvert, mais la cour y est bordée de grandes galeries et elle reçoit un décor somptueux, encore influencé par les arts byzantin et sassanide, comme dans la Coupole du Rocher (691) de Jérusalem. Certains éléments commencent néanmoins à se transformer pour donner naissance à un art purement islamique.
L’architecture des mosquées évoluera cependant suivant les régions, les époques et les découvertes technologiques. En ce qui concerne les formes générales des mosquées, schématiquement on distingue d’une part le plan présentant une cour et une salle de prière hypostyle, qui se trouve plutôt au Proche Orient et au Maghreb, d’autre part une grande cour centrale flanquée de quatre iwâns – un iwân est une salle voûtée ouverte sur un côté –, en Iran, et enfin une cour jouxtant une vaste salle de prière centrale surmontée d’une coupole aux dimensions généralement importantes inspirée de Sainte-Sophie à Istanbul, que l’on trouve principalement en Turquie et en Asie Centrale. Les matériaux témoignent aussi des traditions locales, comme celle de Djenné au Mali qui est entièrement recouverte du pisé local.
Quant au décor, il se limite bien souvent à la calligraphie et aux formes abstraites ou géométriques. Symboliquement, les formes géométriques, reproductibles à l’infini, seraient une allusion à l’infinité du divin. En effet, bien que la représentation figurée ne soit pas interdite dans le Coran, elle ne trouve pas sa place dans les mosquées. Puisque, dans ces « lieux de prosternation », on adore Dieu et que celui-ci est, selon la religion musulmane, omniprésent mais ne revêt pas de forme particulière, on ne le représente pas. En dehors des mosquées, les représentations figurées sont nombreuses dans les arts des pays d’islam.
L’édification d’une mosquée était un geste fort et considéré comme une œuvre pie. Les plus grands artistes, architectes et calligraphes, y déployaient leur talent et les plus beaux matériaux étaient alors employés : aussi les mosquées d’autrefois sont-elles souvent de véritables chefs-d’œuvre comme, par exemple, la Mosquée du Vendredi à Ispahan (XIe siècle), qui n’a pas livré tous ses secrets, celle d’époque omeyyade à Cordoue (785-987) qui, en raison de son prestige, influencera nombre de mosquées en Espagne et au Maghreb, celle de Kairouan (836-875), celle d’Ibn Tulun (876-879) au Caire ou celle de Bayazid II (1481-1512) à Edirne, construite par le célèbre architecte Sinan, pour ne citer que quelques unes parmi les plus belles. Souvent l’embellissement d’une mosquée s’étendait sur plusieurs siècles.
Mais une mosquée ne se compose pas seulement d’une grande cour et d’une salle de prière. Le rituel a suscité des formes et des éléments nouveaux. Le mur qui indique la direction sacrée de la Mecque – la qibla – vers laquelle se tourne le fidèle pour prier et qui est l’élément principal dans une mosquée, a conditionné la forme de la salle de prière qui se retrouve souvent plus large que longue. Au début du VIIIe siècle apparaît le mihrâb, une niche placée dans le mur qibla, qui souligne la direction sacrée et représente symboliquement la présence du Prophète. Le mihrab va recevoir au cours des siècles un décor de plus en plus sophistiqué car c’est vers lui que les croyants tournent leurs regards, il est parfois orné d’une lampe symbolisant la lumière divine.
Le minbar, ou « chaire à prêcher », existait à l’époque de Muhammad ; il était alors composé de trois marches. Par la suite, le minbar va s’élever et recevoir un somptueux décor d’entrelacs géométriques. Certains minbars d’époque médiévale sont particulièrement célèbres, comme celui fabriqué à Cordoue en 1137, durant la dynastie almoravide (1056-1147), pour une mosquée de Marrakech ; il fut utilisé dans la mosquée de la Kutubiyya jusque dans les années 1960. Pendant longtemps, la présence du minbar a permis de distinguer les vastes mosquées du Vendredi, masjîd al-jâmi‘, où la communauté entière devait pouvoir se rassembler le jour de la prière commune, des simples salles de prière aux dimensions plus modestes. C’est sur le minbar que l’imam – « celui qui est devant » – dit la khutba, le sermon, lequel se compose de deux parties : à l’époque médiévale, l’une contenait des explications sur des passages du Coran, l’autre concernait la reconnaissance du pouvoir temporel, le nom du calife y était alors prononcé en signe d’allégeance. Aujourd’hui, la seconde partie du sermon indique, par exemple, les procédures à suivre pour pouvoir accomplir le pèlerinage.
Mais l’élément le plus visible dans une mosquée est certainement le minaret – de manâra, « endroit où brûle un feu, où il y a de la lumière ». Damas, là encore, aurait donné le ton. Ils sont de base carrée mais les formes des minarets évoluent ou épousent les traditions locales : en spirale, circulaires, munis de balcons, comportant plusieurs étages, surplombant la mosquée ou détachés, simples ou doubles, ils permettaient au muezzin de faire l’appel à la prière. Certains sont toutefois trop hauts pour que la voix humaine puisse se faire entendre, comme ceux de la Mosquée du Shah (XVIIe siècle) à Ispahan (Iran), et montrent bien que le minaret est aussi un symbole, celui de la présence de l’islam dans une ville ou dans un pays.
Plus discrètes, les salles à ablutions n’en sont pas moins essentielles dans une mosquée. Grâce à elles, simples salles d’eau ou fontaines situées dans la cour, le croyant peut se mettre en état de pureté rituelle avant d’accomplir ses prières. Des coupoles ornent également les travées centrales de certaines mosquées, signes visibles de la qibla tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Dans les mosquées les plus anciennes, on y conservait également le trésor de la communauté ou on pouvait trouver une maqsûra, pièce réservée au calife ou à son représentant, située devant le mihrab.
Bien que dans les premiers temps de l’islam, hommes et femmes priaient de concert dans la cour de la maison-mosquée du Prophète, il est d’usage aujourd’hui de séparer les hommes et les femmes. Suivant la forme de la mosquée, la salle de prière est divisée en deux ou des pièces jouxtant la grande salle sont destinées exclusivement aux femmes.
Outre sa fonction essentielle de lieu de dévotion, une mosquée est souvent un lieu multifonctionnel. Au Moyen Âge, à côté de la salle de prière, de multiples activités se déployaient dans la cour et dans les salles adjacentes. La mosquée servait de refuge, de lieu d’enseignement théologique, on y accueillait mendiants, étudiants ou étrangers, on l’utilisait comme tribunal, on y trouvait des bibliothèques, on y conservait et y vénérait des reliques de saints, on y fêtait l’‘aïd al-fitr et l’aïd al-kebîr – les deux grandes fêtes musulmanes – on y faisait la prière pour un défunt ou on bénissait un mariage. On y faisait parfois des affaires – mais cela était souvent réprouvé – et, lorsqu’une calamité frappait une ville ou une région, juifs, chrétiens et musulmans s’y retrouvaient pour implorer l’aide de Dieu.
De l’époque ottomane (1453-1924) sont conservées des mosquées qui font partie d’imposants complexes architecturaux. A Istanbul, la mosquée de Soliman le Magnifique (1520-1566) est flanquée de plusieurs madrasas, d’un hôpital, d’un hospice, d’une cantine populaire, de hammams, d’une école coranique et de mausolées.
Aujourd’hui, que ce soit dans les pays musulmans ou en contexte migratoire, la mosquée dépasse encore bien souvent sa fonction cultuelle, elle revêt un caractère social très important. Certes, la salle de prière est toujours un lieu de recueillement où, croyant ou non croyant, musulman ou non musulman, le visiteur est souvent saisi par le silence puissant qui se dégage d’un tel espace, propice à la méditation, mais les mosquées servent également de lieu d’informations sur la communauté ou sur le pèlerinage, de centre d’alphabétisation – notamment pour les femmes – ou d’enseignements divers, voire d’agences de voyage – pour partir en vacances dans son pays d’origine ou dans le pays d’origine de ses parents immigrés. Le rayonnement de la mosquée va donc au-delà de la simple fonction religieuse.
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Référence du document
« Bayle Marie-Hélène, Qu’est ce qu’une mosquée ? » , 2007 , IESR - Institut d'étude des religions et de la laïcité , mis à jour le: 13/12/2016, URL : https://irel.ephe.psl.eu/ressources-pedagogiques/fiches-pedagogiques/quest-ce-quune-mosquee