Sommaire

Résumé

Dans La religion discrète, l’auteur centre son étude sur le shî’isme, « cette communauté minoritaire de l’islam, qui compte tout de même plus de 200 millions de fidèles » (p. 11), et notamment sur les croyances et les pratiques de cette religion (voir Qu’est-ce que le shi’isme ? de Mohammad-Ali Amir-Moezzi et Christian Jambet). Mal connues nonobstant leur richesse, les traditions intellectuelles et spirituelles de l’islam shi’ite concernent une doctrine initiatique et ésotérique. Considérés comme secrets, les enseignements de l’histoire et de la spiritualité shi’ites demeurent peu explorés.

Cet ouvrage comprend quatre grandes sections :

• Intitulée Premières émergences et convergences anciennes, la première comporte deux chapitres. Le premier étudie l’expression Dîn ‘Alî (ou Religion de ‘Alî) considérée comme « authentique » par les shî ’ites, et employée par les rapporteurs de traditions historiographiques : ‘Alî b. Abî Tâlib, troisième imam pour les shî’ites duodécimains, « est le seul personnage de l’islam primitif, mis à part le Prophète (…) à qui est accolé le terme dîn » (p. 22-23). Dîn ‘Alî désigne la soumission à un ensemble de lois aussi bien séculières que sacrées relatives au calife ‘Alî, parent proche, « aux liens de sang les plus probants », de Muhammad, il est considéré par les imamites comme le seul successeur légitime du Prophète (p. 26). Le deuxième chapitre montre la figure de Shahrbânû, mère des imams. D’après des sources shi’ites duodécimaines (IX^e-XII^e siècles), le troisième imam al-Husayn b. ‘Alî (tué à Karbalâ’ en 680) épouse Shahrbânû, fille du dernier empereur sassanide Yazdagird III. Toujours selon la même tradition imamite, la princesse iranienne donne naissance au quatrième imam shi’ite ‘Alî b. al-Husayn Zayn al-‘Âbidîn (m. 711 ou 714). La lignée des imams, du quatrième au douzième et dernier, serait la progéniture de Shahrbânû.

• Dans la deuxième partie, l’auteur examine la notion de divinité de l’imam. Dans le shî’isme duodécimain, l’Imam prend part aux Noms, Attributs et Actes de Dieu. Sa « Figure » correspond à « l’Homme Cosmique » et « l’Imam-Dieu », intermédiaire entre Dieu et le monde (p. 89-90). Selon les traditions imamites, l’Imam est qualifié de « Preuve de Dieu » ou « Seuil de Dieu » (p. 95). La mission sotériologique de l’imam est appelée walâya. D’après les sources duodécimaines (X^e siècle), « l’imam est capable d’ascension céleste » à l’exemple du Prophète (mi’râj), d’où l’établissement d’un rapport étroit entre la nubuwwa et la  walâya (p. 135-145). De plus, le shî’isme primitif attribue à l’imam la capacité d’accomplir des miracles, tels les pouvoirs thaumaturgiques, la lévitation, la connaissance de l’avenir, etc. De ce fait, le caractère sacré de la walâya, véritable « Pilier » de l’islam pour les imamites, confère à l’imam la succession à Muhammad. L’imam (walî) enseigne l’herméneutique du Livre sacré (ta’wîl), cachée ou ésotérique (bâtin), à sa communauté afin d’expliciter la Révélation du Prophète. En outre, les traditions duodécimaines divisent les hommes en trois catégories : les Quatorze Impeccables (le Prophète, sa fille Fâtima et les douze imams) ; leurs fidèles ; enfin les autres.

• La troisième partie décrit les pratiques herméneutiques et spirituelles de la religion shî’ite, et particulièrement les visions d’imams en mystique duodécimaine. À partir du XVI^e siècle, les principales confréries mystiques imamites croissent d’abord en Iran, ensuite en Irak, au Caucase et en Inde. Les plus notables sont : Dhahabiyya, Ni’matullâhiyya, Khâksâr et Shaykhiyya. La vision de l’imam constitue leur pratique majeure. En effet, contrairement à l’Essence de Dieu qui ne peut être « objet de vision », ses Noms et Attributs, « seul niveau connaissable en Dieu », peuvent être vus par « l’œil du cœur » du fidèle initié. Cette « vision par le cœur » (al-ru’ya bi-l-qalb) s’effectue à travers la vision de l’imam. Aussi peut-elle « emprunter d’autres chemins » comme le rêve ou la rencontre, à l’état de veille normale ou dans le monde de l’âme (p. 254-260).

• Les aspects de l’eschatologie shî’ite composent la dernière section. Fondée sur le messianisme, l’eschatologie duodécimaine repose sur la figure du douzième et dernier imam, l’imam caché (le Mahdî). Les sujets principaux de la littérature eschatologique imamite portent essentiellement sur son Occultation et sa manifestation à la Fin du Temps.

Points forts

• Un sujet méconnu et longtemps occulté par les savants des disciplines arabes et islamiques. Dans cet ouvrage, l’auteur explore avec soin les arcanes ésotériques de l’histoire et de la spiritualité du shî’isme duodécimain.

• L’apport de la tradition shî’ite de Shahrbânû, princesse sassanide et aïeule des imams, car cette figure féminine semble être d’une insigne importance dans les liens unissant le shî’isme imamite à l’Iran préislamique (p. 49-86).

• Une étude scientifique rigoureuse distinguée par une écriture savante, des notes de bas de page exhaustives, et un système de transcription de l’arabe et du persan toujours respecté.

Utilisation dans les programmes scolaires

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