Sommaire
Résumé
L’auteur, historienne du judaïsme, livre ici un ouvrage certes nourri de son travail d’historienne mais qui ne constitue pas un travail classique d’histoire. Il s’agit plutôt d’une participation au débat en cours au moment de l’édition du livre, en février 2004, sur le port de signes religieux à l’école.
Elle relit l’histoire de l’intégration des juifs en France pour y repérer de la part de la République les mêmes craintes et la même condescendance que celles qui concernent l’islam, cristallisées aujourd’hui autour de la question du voile.
L’auteur observe tout d’abord qu’en l’absence d’intégration possible, un repli identitaire autour de données culturelles qui permettent de se différencier est favorisé aujourd’hui, d’autant que les conditions techniques de communication permettent à ces « nationalismes diasporiques » de se constituer de manière plus rapide encore qu’autrefois.
Certes cette « culture de l’entre-soi » est dangereuse, mais ce n’est pas une loi sur le voile qui en viendra à bout. Le mot communautarisme fait peur, mais la réalité qu’il recouvre est très différente de l’idée qui en est diffusée par la presse, au risque de contenir la richesse que peuvent apporter différentes cultures à une France toujours tentée par le jacobinisme.
La création du CFCM en 2003 (Conseil français du culte musulman) constitue une manœuvre régalienne d’organisation des cultes qui se rapproche de la création du Consistoire israélite par Napoléon, il y a une centaine d’années. Mais la réalité d’aujourd’hui profite plus au raidissement des positions qu’à une véritable intégration. La comparaison entre les juifs d’hier et les arabo-musulmans d’aujourd’hui fait ressortir que là où les juifs ont reçu une citoyenneté de droit, vite convertie en une intégration par l’instruction, les arabo-musulmans constatent aujourd’hui un manque d’intégration de fait, et concluent à une non-citoyenneté, conclusion amplifiée par le souvenir de la colonisation et de la guerre d’Algérie. La crispation autour de la laïcité et l’exclusion des différences qu’elle sert à justifier sonne aux oreilles de l’auteur comme une crispation, paradoxalement de type religieux, comme si la France n’était jamais sortie de l’unicité de religion qu’un Louis XIV avait imposée.
Il y a une disproportion flagrante entre le nombre réel de musulmans pratiquants sur le territoire français et l’influence que leur prête une médiatisation exagérée, qui rappelle à l’auteur la place inouïe que prennent les critiques contre les juifs dans la littérature du XVIIIe siècle, pour une population à l’époque d’à peine 40 000 juifs en France. Cette exagération prend sa source dans la peur de l’opinion publique, une peur qui rappelle les rapports entre Orient et Occident à l’époque où l’Islam surpassait culturellement l’Occident, et parfois le menaçait militairement. Ce passé que l’on fait remonter à la mémoire depuis le 11 septembre 2001 permet de simplifier les problèmes, sans avoir à fournir l’effort de la réflexion complexe, de la véritable nécessité de l’intégration des populations, intégration qui passe aussi par des efforts d’acceptation de l’autre. L’auteur condamne absolument le terrorisme, mais constate que le rejet ne suffit pas, qu’il faut complexifier l’analyse si l’on veut vraiment comprendre l’autre.
Au XVIIIe siècle, la France a tenté de « régénérer » les juifs. L’interdiction du voile à l’école aujourd’hui sonne comme une réminiscence de cet état d’esprit, qui tente d’obliger des jeunes filles à abandonner leur voile pour leur permettre leur émancipation, dans un mouvement qui révèle une attitude condescendante et niant au fond l’autonomie intellectuelle de ces mêmes jeunes filles, preuve supplémentaire que la cause des femmes sert ici d’alibi. Cette volonté de « racheter » une culture en la fondant dans la culture française pose problème. La seule solution passe par l’apprentissage des différences, et non par leur interdiction, conclut l’auteur en appelant à la lutte contre toutes les discriminations, et à la promotion d’une identité qui se découvre dans la diversité, non dans une unité utopique.
Points forts
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La comparaison que l’auteur construit entre les juifs et les arabo-musulmans, appuyée sur de nombreuses données historiques, met en lumière des mécanismes intéressants, et souligne que l’opposition traditionnelle entre juifs et musulmans n’a pas lieu d’être en l’occurrence.
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L’expérience vécue par les juifs dans l’histoire de leur intégration peut aider à penser l’intégration des arabo-musulmans aujourd’hui.
Usage dans les programmes scolaires
Classe |
Discipline |
Thèmes du programme |
Seconde |
Éducation civique |
Les droits de l'homme et l'Europe : laïcité et identités nationales |
Quatrième |
Histoire |
La philosophie des lumières et la laïcisation de la société |
Troisième |
Éducation civique |
Valeurs, principes et symboles de la république (loi de 1905) |
Seconde |
Éducation civique |
Citoyenneté et intégration |
Première |
Éducation civique |
Exercice de la citoyenneté, république et particularismes (lois de la laïcité, garantie à l'égale dignité des personnes) |
M.A.
Référence du document
Recension : « Benbassa Esther, Arnera Matthieu, BENBASSA Esther, La République face à ses minorités, Les Juifs hier, les Musulmans aujourd’hui, Paris, Mille et une nuits/Fayard, 2004, 154 p. » 2008, , IESR - Institut d'étude des religions et de la laïcité , mis à jour le: 12/16/2016, URL : https://irel.ephe.psl.eu/ressources-pedagogiques/comptes-rendus-ouvrages/benbassa-esther-republique-face-a-ses-minorites