Actes du colloque organisé par l’Association française de sociologie des religions (AFSR) et l’Association française de sociologie politique, en février 1999.
Sommaire
Résumé
Ce colloque tente de rendre compte de la permanence et de la force du lien direct ou indirect entre religion et action publique, soit du point de vue des individus, soit du point de vue des institutions.
Certains groupements religieux, surtout minoritaires, ont une attitude de méfiance et de retrait vis-à-vis du monde, et cantonnent leur action au soutien matériel et moral de leurs membres. Cependant, cette attitude peut varier avec le temps et l’évolution des groupes. C’est le cas qu’évoque R. Dericquebourg avec trois groupements : les Témoins de Jéhovah, La Famille et le Raëlisme. On observe aussi dans le catholicisme le passage de la protestation contre certaines valeurs de la société à une attitude plutôt attestataire (la mission étudiée par D. Pelletier, l’Action catholique étudiée par É. Belouet et J. Morlet), de même dans l’Islam français (les jeunes musulmans étudiés par J. Césari).
Le choix de la visibilité dans l’espace public peut s’accompagner d’une revendication d’expression dans cet espace, comme en témoigne le rapport Proposer la foi dans la société actuelle, dit Rapport Dagens, publié par les évêques de France en 1999 (C. Pina). Il conduit aussi à des accommodements avec les valeurs dominantes : apprentissage de la consultation dans l’élaboration du rapport, utilisation du lobbying par les religieuses québécoises (K. Talin et P.-A. Turcotte). Pour les prêtres-ouvriers, la stratégie de l’enfouissement a paradoxalement été accompagnée d’une montée de leur visibilité dans l’espace public, du fait de leur engagement syndical et de la médiatisation de leur conflit avec la hiérarchie. Mais après 1954, ils ont été contraints par Rome de revenir à la discrétion, jusqu’à Vatican II (N. Viet-Depaule). Du côté des syndicats (D. Andolfatto), la crise du militantisme a touché également l’engagement des chrétiens, de moins en moins visibles quelles que soient les centrales.
Les « juifs d’État » (engagés dans la haute administration) étudiés par P. Birnbaum comme la population juive de Sarcelles à forte proportion sépharade, étudiée par S. Strudel, semblent moins attachés à une République laïque, ennemie de tous les particularismes, et manifestent plus volontiers leur attachement à la communauté et à la vie juive que dans les époques précédentes. Dans la sphère protestante, le rapprochement de la FEP (Fédération de l’entraide protestante) et de l’ASEv (action sociale évangélique) pour défendre la position du secteur privé confessionnel dans le champ sanitaire et social n’empêche pas des différences de demeurer : la plus évangélique des deux, l’ASEv, reste plus confessionnelle et met plutôt en avant l’amour du prochain et l’action caritative, alors que la FEP est plus orientée vers la justice sociale (G. Vincent).
Les relations entre faits religieux et action publique sont d’abord touchées par l’évolution des modes d’engagement dans l’espace public : le déclin des réseaux idéo-politiques laisse émerger des acteurs historiquement absents de l’espace public (femmes, immigrés, jeunes), et donne la parole aux souffrants eux-mêmes plutôt qu’à des porte-parole. Il n’exclut pas cependant des visées globales sur la société (J. Ion). D’après J.M. Donégani, les choix politiques des Français continuent d’être largement influencés par leurs convictions religieuses, quitte à ce que les mêmes convictions conduisent à des choix opposés, dans une culture à dominante libérale. De fait, une enquête quantitative de V. Tournier sur l’imbrication du politique et du religieux chez les lycéens nuance sans les invalider les schémas classiques du lien entre l’intégration catholique et le vote à droite.
Les enquêtes effectuées aux marges du religieux permettent de relativiser la notion de retour du religieux. Elles soulignent le fait qu’il s’agit plutôt de l’affirmation d’une référence culturelle qui en appelle à un « univers de significations symboliques » (C. Dubar, p. 274) plutôt que de l’adhésion à un corpus doctrinal ou à une institution. Ainsi en est-il des réseaux psycho-mystico-ésotériques décrits par F. Champion et V. Rocchi, des écologistes dont les référents religieux sont étudiés par A. Micoud, ou encore de la « religion du moi » (p. 284) des jeunes professionnels interviewés par C. Dubar.
Points forts
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Un panorama de la présence religieuse dans l’espace public en France et de ses modalités d’actions.
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Un contrepoint aux études majoritaires (sur le catholicisme) donné par les études sur le protestantisme, le judaïsme, l’islam et les marges religieuses.
Utilisation possible dans les programmes scolaires
Classe |
Discipline |
Thèmes du programme |
première |
histoire |
étude des modifications des pratiques religieuses depuis 1945 [programme 2002] |
terminale |
histoire |
évolution des pratiques et des croyances en France depuis 1945 |
Ces propositions d’utilisation sont données par extension, pour un ouvrage de portée générale.
AP
Domaines religieux : Généralités
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Référence du document
Recension : « Bréchon Pierre, Duriez Bruno, Ion Jacques, BRÉCHON Pierre, DURIEZ Bruno, ION Jacques, Religion et action dans l’espace public, Paris-Montréal, L’Harmattan, collection « Logiques Politiques », 1994, 213 p. » 2008, , IESR - Institut d'étude des religions et de la laïcité , mis à jour le: 12/16/2016, URL : https://irel.ephe.psl.eu/ressources-pedagogiques/comptes-rendus-ouvrages/brechon-pierre-duriez-bruno-ion-jacques-religion