Sommaire

Résumé

J. C. analyse, en historienne, le discours coranique. Elle tente de restituer le contexte d’origine, celui du Hedjâz au VII^e siècle, afin de restituer le sens qui aurait pu être produit dans ce milieu particulier auquel appartenait le prophète de l’islam. Selon son hypothèse, le Prophète était alors bien éloigné du « Beau modèle » vénéré plus tard par la tradition islamique.

Seuls sont retenus par l’auteur les passages coraniques qualifiés de « bibliques : amples récits, autour des grandes figures d’Abraham, Noé, Moïse…, narrations plus modestes (Salomon, Marie...) ou encore, figures secondaires de « petits prophètes » (Élie, Job, Jonas…). J. C. attribue un rôle essentiel à ces références coraniques : en se réclamant de repères empruntés aux « gens de l’Écriture », le Prophète aurait cherché une « caution » et de nouveaux arguments pour justifier sa mission face à sa propre tribu dominante à La Mekke, plutôt hostile au nouveau message.

Une longue introduction (26 pages) rappelle que l’islam des origines est d’abord une « alliance » entre un homme, Mahomet, et une divinité protectrice. Il a ensuite été promu, par la conquête, au rang de « grande religion intégratrice » (p. 20). Elle insiste enfin sur la nécessité de soumettre les textes médiévaux à une lecture critique. Le passé de l’islam est, pour l’essentiel, l’œuvre d’auteurs « néomusulmans » iraniens – donc non-arabes – dont la lecture du Coran est tributaire de leur propre culture.

La première partie (trois chapitres) décrit le contexte de la « coranisation » (p. 41) de plusieurs  figures empruntées à la Bible. L’établissement de la descendance d’Ismaël à La Mekke, si importante selon la tradition, est l’objet d’une étude critique car le Coran ne lui réserve qu’un rôle en fait très modeste. Il en est de même, pour l’intervention de l’ange Gabriel comme intermédiaire de la Révélation, identifiable à l’« esprit » (rûh). J. C. s’oppose aussi aux interprétations des exégètes musulmans sur les visions, des textes coraniques très courts, qui demeurent controversés.

La deuxième partie (sept chapitres) montre que, dès la période mekkoise, afin d’emporter l’adhésion, le Coran recherche des références, à la fois dans des thèmes de sa propre culture (les sociétés du Hedjâz) et dans les éléments bibliques (Abraham comme destructeur des idoles ; récits de David et de Salomon…).

La troisième partie (quatre chapitres) décrit le peuple médinois dans ses relations avec les tribus juives en rappelant les événements importants mentionnés dans le Coran : rupture de la qibla, guerres juives et évolution de la figure d’Abraham, que J. C. décrit comme étant la promotion d’un grand prophète « rapté par l’islam » (p. 373).

Points forts

• Une thèse d’historienne défendue avec vigueur dans « une optique citoyenne » (p. 403). L’auteur ne craint pas de bousculer les représentations traditionnelles généralement acceptées par les analystes modernes non musulmans.

• La présentation minutieuse de l’énigmatique « voyage nocturne » du Prophète (Isrâ’)1 aborde aussi la question de la direction de qibla et de son inversion vers La Mekke. Selon l’auteur la première qibla ne serait pas Jérusalem mais plutôt un lieu en rapport avec Moïse.

• Une étude de la grande figure coranique d’Abraham, en relation avec le contexte mekkois puis médinois. Dans ce dernier, on aurait propulsé au premier plan la figure abrahamique, comme l’exemple par excellence du pur croyant (hanîf), « soumis » à Dieu et fondateur de la Ka ‘ba. Mahomet a ensuite été inscrit, selon la Tradition, dans la filiation symbolique d’Abraham.

NS