Sommaire
Résumé
Ce petit livre est la publication du rapport que Régis Debray a adressé aux autres membres de la Commission Stasi en 2003. Il aborde successivement les grandes questions posées à cette Commission.
Faut-il légiférer sur le « voile » à l’école ? Une loi, outre les difficultés de sa rédaction (loi laconique ou développée ?) et de sa mise en œuvre, risquerait de renforcer au final les écoles privées hors contrats et les intégristes qui se sentiront justifiés dans leur combat. La fracture s’en trouverait aggravée avec les musulmans, mais aussi avec le reste de l’Europe qui ne connaît pas de telles lois. Pour autant, le voile « traduit une poussée théocratique à vaste échelle (…) qui ne peut que grandir » : une « adaptation immunitaire des institutions républicaines » s’impose donc. Seul le tranchant d’une loi peut y réussir. L’auteur préconise donc une loi interdisant « tous signes visibles de propagande politique, religieuse et commerciale » dans les établissements scolaires.
Sur « la question principale de l’Ecole », « asile inviolable » et moyen de civilisation, l’auteur estime qu’« un élève peut exprimer ses convictions par la parole, dans ses devoirs écrits (…), mais ne peut imposer aux autres le spectacle d’une affiliation à l’état brut » ni « les stéréotypes de la communication » médiatique ou commerciale : « l’école publique doit être le plus possible soustraite aux effets de groupe ».
Sur la question des convictions religieuses exprimées dans les lieux publics et les services publics, les lieux de travail ou de loisirs, l’auteur indique que l’expression des convictions religieuses ne peut être limitée aux seuls lieux de culte. Il distingue donc les lieux publics et les entreprises, où la liberté doit être préservée dans les limites de l’ordre public, et les services publics, où les convictions religieuses ou politiques ne peuvent s’exprimer. Sur les lieux de loisirs et de sports, l’auteur met en garde contre les dérives si l’on organise l’accès aux équipements selon les demandes religieuses.
Sur la question plus large des rapports entre laïcité et République, l’auteur invite à ne pas diaboliser les « communautés » mais à s’interroger sur « la crise de notre propre fédérateur national » : pour intégrer, encore faut-il savoir à quoi l’on intègre. Que reste-t-il d’une « identité narrative » indispensable au lien affectif entre le citoyen et la nation ? L’État devenu prestataire de service sollicité par tous mais respecté par personne, peut-il rester laïque si son autorité même ne s’impose plus aux intérêts particuliers ou sectoriels ? Aucune réflexion sur la laïcité ne pourra faire l’économie d’une réflexion sur l’État, la nation, et in fine sur une reprise de responsabilité par les politiques.
Points forts
-
Bien qu’il s’agisse de l’opinion d’un seul des vingt membres de la commission Stasi, ce texte très personnel de Régis Debray a pris une valeur particulière, en raison de la personnalité de l’auteur et de sa médiatisation.
-
Bien que ce texte soit étroitement lié au contexte rappelé ci-dessus, l’ampleur des réflexions proposées, notamment sur l’Ecole et sur la nation, lui donne une portée dépassant les circonstances qui lui ont donné lieu.
YB
Référence du document
Recension : « Bruley Yves, Debray Régis, DEBRAY Régis, Ce que nous voile le voile : la République et le sacré, Paris : Gallimard, 2004, 53 p. » 2009, , IESR - Institut d'étude des religions et de la laïcité , mis à jour le: 12/16/2016, URL : https://irel.ephe.psl.eu/ressources-pedagogiques/comptes-rendus-ouvrages/debray-regis-ce-que-nous-voile-voile-republique