Carte ethnographique de l’Australie.
Sommaire
Résumé
L’auteur souhaite analyser la religion la plus primitive et la plus simple comme fondement de toute étude des religions plus élaborées. Après avoir défini la religion comme « un système solidaire de croyances et de pratiques relatives à des choses sacrées, c’est-à-dire séparées, interdites, croyances et pratiques qui unissent en une même communauté morale, appelée Église, tous ceux qui y adhèrent » (p. 65), ED, choisit d’analyser ce qu’il considère comme la forme religieuse la plus élémentaire : le totémisme australien. Le totem est le nom et l’emblème d’une tribu. Les différentes structures qui composent cette dernière, phratrie, clan, et même parfois les individus ont également un totem. La religion totémique est un système complexe de cultes qui englobe tout l’univers d’une tribu. Le culte totémique s’adresse non pas au totem lui-même, mais à la force immatérielle qui est en lui comme elle est dans tous les êtres qui lui sont rattachés à des degrés divers. Les ethnologues appellent cette force de son nom mélanésien : mana. Pour ED, la religion totémique, comme toutes les religions plus élaborées, est en fait l’hypostase de la société et le mana n’est qu’une hypostase de la puissance à la fois bénéfique et contraignante de la société. L’âme individuelle est constituée d’une portion de ce mana, de même que les esprits et les dieux.
La religion totémique met en œuvre des rites négatifs qui assurent la séparation du sacré et du profane (abstention diverses, ascèse). Elle comporte aussi des rites positifs : sacrifices (l’homme se nourrit du sacré -communion- et nourrit aussi le sacré lui-même -oblation-), rites mimétiques durant lesquels l’homme pense agir sur le totem en l’imitant, rites piaculaires à l’occasion du deuil. Tous ces rites sont censés être efficaces par eux-mêmes et ne s’adressent pas à un dieu ou à un esprit. Ils ont pour but de participer au mana du totem, de le régénérer, de célébrer le deuil, et parfois uniquement de réjouir la communauté.
De cette étude des formes élémentaires de religion, ED infère que la religion en général est une expression de la société. Ce sont les forces sociales que l’homme ressent et traduit sous forme de religion parce qu’il ne les comprend pas. Elles sont pourtant bien réelles et la religion est donc un phénomène social réel et efficace, même si son efficacité n’est pas toujours celle qu’on croit. La religion exprime et renforce la cohésion sociale, en particulier dans des rites à l’occasion desquels les émotions puissantes ressenties par les participants renforcent leur foi. D’autre part, la pensée religieuse qui unit dans un même univers les êtres animés et inanimés, les hommes, les animaux et les choses et contribue au bon fonctionnement de la société, inaugure l’explication du monde et ouvre la voie à la philosophie et à la science, à la morale, à l’esthétique et à la fête.
Points forts
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Une définition de la religion reposant sur la distinction entre sacré et profane, qui servira de référence à tous ceux qui tenteront de construire la leur par la suite.
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La mise en valeur du rôle de l’organisation sociale dans la religion.
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Même si bien des conclusions d’ÉD ont été remises en cause plus tard, son travail reste une œuvre puissante, précise, méticuleuse, en un mot, fondatrice. En faisant de la religion une émanation de la société et les prémices de la philosophie, de la science, de la morale, de l’esthétique et de la fête, ÉD lui rend un rôle central dans la vie humaine que bien des chercheurs avaient tendance à lui retirer, en en faisant une simple illusion.
AP
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Référence du document
Recension : « Perrin Anne, Durkheim Émile, DURKHEIM Émile., Les formes élémentaires de la vie religieuse. Le système totémique en Australie (1912), Paris, PUF, « Quadrige, Grands textes », 2007 (4ème édition), 647 p. » 2008, , IESR - Institut d'étude des religions et de la laïcité , mis à jour le: 12/16/2016, URL : https://irel.ephe.psl.eu/ressources-pedagogiques/comptes-rendus-ouvrages/durkheim-emile-formes-elementaires-vie-religieuse