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De Jaffa jusqu'en Galilée. Les premiers pionniers juifs (1882-1904)

Par Vilmain Vincent

DELMAIRE Jean-Marie, De Jaffa jusqu'en Galilée. Les premiers pionniers juifs (1882-1904), Lille, Presses universitaires du Septentrion, coll. « Savoirs mieux », 1999, 130 p.


Sommaire

Résumé

L’ouvrage présenté ici, publié après la mort de son auteur Jean-Marie Delmaire, constitue un résumé, malheureusement succinct, d'une partie de la très importante thèse d'État, intitulée « De Hibbat Zion au sionisme politique », qu’il a soutenue en 1990.

Cet ouvrage est consacré à la vague initiale d'immigration juive d'essence nationaliste, entre 1882 et 1904, appelée aussi « première aliyah ». Au cours de cette période de la fin du XIXe siècle, 30 000 Juifs environ s’installèrent en Palestine. Vingt cinq colonies agricoles y furent fondées qui accueillirent 5 000 pionniers. La première aliyah jouit d'une réputation assez mauvaise dans l'historiographie sioniste traditionnelle qui accorde plus volontiers aux pionniers de la deuxième aliyah (1904-1914) le titre de bâtisseurs d'Israël.

Il est vrai que les difficultés économiques, politiques et sociales, ainsi que les épidémies, n'épargnèrent guère les colons juifs de la première aliyah. L'absence de cadre politique unifié, de même que certains choix désastreux ont pu effectivement laisser une impression d'amateurisme, impression à nuancer puisqu’elle ne vaut surtout qu'à la lumière des accomplissements ultérieurs de la seconde aliyah.

Plus encore, la première aliyah a vu sa réputation ternie par l'historiographie sioniste en raison des liens que les premiers colons entretinrent avec la France et avec le baron de Rothschild, lequel vint souvent à la rescousse de colonies continuellement menacées dans leur existence.

Pourtant, l'histoire de la première aliyah n'est pas si négative, y compris si on se place du point de vue sioniste. C'est ce que démontre l’auteur. Comme tous les commencements, la première aliyah est en effet riche en enseignements.

Les premiers affrontements en Palestine n'opposèrent pas Juifs et Arabes, ni même Juifs et autorités ottomanes, mais plutôt la vieille communauté religieuse juive, essentiellement implantée à Jérusalem, Safed et Tibériade, aux nouveaux colons dont la plupart, influencés par les Lumières juives, étaient des « libres penseurs ». Outre les questions religieuses, les aspects économiques jouèrent également un rôle important. La plupart des Juifs vivant en Palestine à l'époque ottomane dépendaient des largesses de leurs coreligionnaires établis partout dans le monde. L'assiette était petite, le partage compliqué, les autorités juives de la communauté traditionnelle virent donc d'un mauvais œil le fait que des « libres penseurs » réclament eux aussi une part des dons.

La plupart des nouveaux colons venaient de l'Est de l'Europe. Leur arrivée coïncida avec la première vague de pogroms antijuifs en Russie (1881-1884). Bercés par la littérature nationaliste romantique qui s’était développée depuis les années 1860 au sein du judaïsme d'Europe centrale et orientale, la Palestine était pour eux une terre rêvée, un espace onirique. Le choc avec la réalité d'une région au climat difficile et infestée par la malaria fut souvent très rude.

Au clivage entre communautés juives ancienne et nouvelle s’ajoutèrent de multiples tensions à l’intérieur même des groupes de colons. Le mouvement Hibbat Zion (l'Amour de Sion), fondé en 1884 à Kattowiztz et censé organiser colonisation et immigration, s’était en réalité scindé dès l'origine entre deux composantes antagonistes, l’une d'essence laïciste et moderniste, la seconde représentant l'archétype du futur mouvement sioniste religieux.

À ces multiples tensions s'ajoutait la présence française en Orient, via l'Alliance israélite universelle (AIU) et son réseau d'écoles, le baron de Rothschild et ses projets de colonies. Si les réalisations des uns et des autres pouvaient parfois se rejoindre, leurs ambitions étaient cependant fort différentes. Le baron et l'Alliance ambitionnaient de poursuivre la régénération du judaïsme et de prouver au monde entier, en particulier aux antisémites, que les Juifs pouvaient être des agriculteurs. Quant au mouvement des Amants de Sion, son objectif était déjà clairement de constituer une entité juive nationale.

L'historiographie sioniste s'est longtemps penchée sur l'échec politique et économique de la première aliyah, incapable d'amener les nouvelles colonies à l'autosubsistance. L’auteur, sans nier cet élément, insiste cependant davantage sur les acquis culturels de la première vague d'immigration. Cette nouvelle présence juive accentua en effet la centralité de la Palestine dans les journaux et les romans juifs.

Une nouvelle identité juive était ainsi en gestation. Certes, le mouvement pionnier avait connu bien des échecs, mais le travail de la terre s'imposa peu à peu comme le marqueur principal de la nouvelle judéité. Surtout, sous l'influence de Ben Yehoudah, la Palestine devint le centre de la recréation de l'hébreu.

Quant aux relations avec le voisinage arabe, elles restèrent bonnes jusqu'au années 1900, voire 1910. Les heurts n’étaient absolument pas systématiques, et certainement pas politiques. Les écrits sionistes de la période reflètent au contraire une fascination très orientaliste pour l'Arabe, tour à tour bédouin, fier combattant du désert, puis fellah, digne travailleur de la terre.

Points forts

  • Un excellent ouvrage, clair, précis, accessible. On ne peut que regretter qu’il soit trop succinct au regard de l’œuvre initiale de son auteur sur le présionisme et les Amants de Sion.

  • L'ouvrage est tout aussi important pour l'histoire du sionisme que pour celle de la Palestine à la fin du XIXe siècle.

  • Essentiel pour toute première approche.

  • Un nombre important de textes originaux, publiés pour la première fois en français.

  • Méthodique et bien organisé.

V.V.

NOTES DE BAS DE PAGE
Publié après le décès de son auteur. Notes réalisées par Danielle Delmaire. Courte bibliographie, Lexique.
NUAGE DE MOTS-CLEFS
Lexique : Sionisme, Yishouv, Pogroms, Aliyah
Domaines religieux : Judaïsme, Judaïsme : Territoires : Israël
Guide des ressources : Information : Ouvrages

Référence du document

Recension : « Delmaire Jean-Marie, De Jaffa jusqu'en Galilée. Les premiers pionniers juifs (1882-1904) » Presses universitaires du Septentrion, coll. « Savoirs mieux », 1999, 130 p., 2009, 130 p., , IESR - Institut d'étude des religions et de la laïcité , mis à jour le: 12/16/2016, URL : https://irel.ephe.psl.eu/ressources-pedagogiques/comptes-rendus-ouvrages/jaffa-jusquen-galilee-premiers-pionniers-juifs-1882

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