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Résumé

L’auteur  entend analyser le mouvement de retour du religieux sur la scène politique qui s’est dessiné dans le monde à partir des années 1970, en prenant l’islam comme étalon de mesure.

Dans les pays musulmans du bassin méditerranéen, ces années sont marquées, dans le champ de la contestation politique, par le conflit de suprématie entre les mouvements marxistes et les mouvements islamistes. Les mouvements marxistes ont petit à petit été éliminés mais les islamistes n’ont pas réussi non plus à prendre le pouvoir, sauf en Iran.

Ce qui caractérise les mouvements islamistes, c’est leur désir de rupture avec les idées des Lumières qu’ils considèrent comme véhiculées par le colonialisme occidental et étrangères à l’islam. Les États issus de la décolonisation et qui se réclament de ces valeurs sont assimilés à la jahiliyya, l’état de barbarie préislamique. Le combat des islamistes est tantôt mené par le haut, en cherchant à s’emparer de l’État, tantôt par le bas, en travaillant à la réislamisation de la société.

En Europe, après le Concile Vatican II (1962-1965), la théologie de la libération représente le danger marxiste pour la hiérarchie catholique. A partir des années 1970, les courants de rechristianisation qui veulent rompre avec l’esprit rationaliste et laïcisateur des Lumières, se positionnent contre cette théologie. L’expérience de « Communion et Libération » en Italie est particulièrement significative. La rechristianisation se fait surtout « par le bas », en particulier à travers le Renouveau charismatique. Cependant, les efforts de la hiérarchie catholique (cardinaux Lustiger et Ratzinger) pour ouvrir une place à la religion dans l’espace public relèvent du mouvement « par le haut ». Ces efforts rejoignent dans certains cas ceux du judaïsme et de l’islam, par exemple en France dans l’affaire dite « du voile ». Les expériences de la Pologne et de la Tchécoslovaquie à leur sortie du monde soviétique illustrent aussi ces tendances.

Aux États-Unis, le protestantisme évangélique, en très forte progression au cours de la même période, oscille également entre ces deux pôles : christianisation de la société par le bas avec les télévangélistes, mais aussi par le haut avec la Majorité morale qui a soutenu les présidents J. Carter et R. Reagan aux élections présidentielles. Le retour à la christianisation par le bas s’effectue à travers la création d’universités fondamentalistes à partir de 1985.

Dans le monde juif, les années 1970 voient un mouvement de teshouva, c’est à dire de retour à l’observance de la loi juive. Cette rupture avec la société s’accompagne d’un effort pour la rejudaïser, soit par le haut (courant Goush Emounim en Israël), en pesant pour influencer la politique, éventuellement par le terrorisme, soit par le bas en regroupant ses adeptes en communautés fermées (loubavitch).

En conclusion, l’auteur souligne les différences qui existent dans ce mouvement général, et ce en fonction des aires géographiques et religieuses : ainsi, pour lui, la rupture introduite par le judaïsme avec le monde extérieur est un élément propre de la tradition culturelle ; la démocratie est un élément culturel indigène au christianisme alors que dans l’islam post-colonial la démocratie apparaît comme un élément culturel exogène dans une culture essentiellement moniste. Elle souligne aussi la logique de conflits interreligieux que ce mouvement porte en lui.

Points forts

• Un point de vue original sur le retour du religieux, fondé sur la comparaison des mouvements religieux occidentaux avec ce qui se passe dans l’islam, alors que le point de vue inverse prévaut généralement.

• Un panorama des mouvements issus des grandes « religions du Livre », mouvements nés en réaction contre les valeurs des Lumières portées par la modernité.

AP