Sommaire

Résumé

Parmi les milliers de « hauts lieux » de la spiritualité en islam, le numéro de la revue Autrement présente quelques exemples types suivant une typologie originale. L’article liminaire du philosophe C. Jambet est une réflexion sur « une esthétique de l’espace en islam » dans la culture classique. Mohammad-Ali Amir-Moezzia dirigé ce numéro spécial auquel ont contribué des chercheurs du CNRS ou de divers instituts français de la métropole ou à l’étranger (Damas, Téhéran) qui représentent des spécialités diverses : musicologie, islamologie philosophie, sciences, islam politique…

L’auteur est directeur d’études à l’École pratique des hautes études, codirecteur de la collection « Instant nécessaire » aux éditions Noêsis et membre du comité de lecture scientifique de plusieurs revues et collections, spécialiste de la tradition shî’ite qu’il étudie à travers le corpus des écrits anciens.

Il est l’auteur avec Christian Jambet de Qu’est-ce que le shî’isme ? Fayard, 2004. Outre de nombreux articles, il a aussi publié deux livres importants : Le voyage initiatique en terre d’Islam. Ascensions célestes et itinéraires spirituels, « Bibliothèque de l’École pratique des hautes études, Section des Sciences religieuses » n° 103, Peeters (Louvain), 1996 ; et Le Guide divin dans le shî’isme originel. Aux sources de l’ésotérisme en Islam, Verdier, 1992. Il a encore dirigé, avec John Scheid, L’Orient dans l’histoire religieuse de l’Europe. L’invention des origines, Turnhout, Brepols, 2000. Il a contribué au chapitre sur le messianisme dans le shî’isme de l’ouvrage collectif Messianismes. Variations sur une figure juive (dir. J.-C. Attias), Genève, Labor et Fides, 2000.

La première partie réunit des contributions sur des « lieux religieux et historiques » de premier plan : les trois lieux saints de l’islam : La Mecque et Médine dans le Hedjaz et Jérusalem en Palestine (Pierre Lory) ; Fustât « Lieu de mémoire », première ville fondée en Égypte, symbole de l’expansion de l’islam (Sylvie Denoix) ; Qom, capitale du shî’isme iranien (Yann Richard) ; les grandes universités de théologie du shî’isme, Qom, Nadjaf en Irak, Lucknow en Inde…(Jean Calmard).

Avec sa célèbre université, la Qarawiyyîn et ses confréries soufies, la vieille ville marocaine de Fès fait le lien avec la deuxième partie, « Lieux mystiques » : l’Égypte (Catherine Mayeur-Jaouen), avec la grande densité de lieux vénérés en province et au Caire, al-Azhar, les nécropoles de la « Cité des Morts » (voir G. al-Qadi) ; Damas où le mausolée d’Ibn al-‘Arabî est lié au souvenir de l’émir algérien ‘Abd el-Kader (Ryad Atlagh) ; d’autres lieux moins connus en Occident : les curieux pèlerinages de Jamkarân et Mâhân en Iran (M.-A. Amir-Moezzi), sanctuaires montagnards d’Albanie (Nathalie Clayer), de la route de la soie (Thierry Zarcone), de Java (Claude Guillot et Henri Chambert-Loir, voir aussi Beck), d’Inde et du Pakistan (Marc Gaborieau et Denis Matringe) ; au Sénégal, Touba est devenue la deuxième ville du pays grâce à la confrérie mouride (Christian Coulon).

La troisième partie évoque quelques « Lieux culturels » en Iran : Yves Porter raconte Isfahân, célèbre pour ses monuments prestigieux et la peinture du XVII^e siècle ; Ziva Vesel recherche les traces des cours princières protectrices de la philosophie et des sciences (X^e-XV^e siècles) : la musique constitue un domaine particulier : Eckhard Neubauer rappelle les foyers où s’épanouit la musique savante de l’islam classique au XIX^e siècle et Jean During montre le double enracinement de l’art musical en pays d’islam, dans la terre natale et dans la recherche d’un haut lieu spirituel.

Points forts

• Une vision de l’islam différente de la présentation des aspects dogmatiques et normatifs : ferveur du culte des saints, hauts lieux de spiritualité où bat le cœur de l’islam populaire et mystique (deuxième partie), de l’Égypte à l’Indonésie (Java).

• Avec l’Albanie, l’étude d’une dimension souvent marginalisée de l’islam en Europe : le rôle des confréries mystiques dans la cohésion sociale du pays, islamisé par cinq siècles de domination ottomane, et la renaissance religieuse après la chute du communisme (1991).

• Des exemples de fêtes populaires moins connues que celles de la fin du jeûne au mois de ramadân ou du Sacrifice. Bonne évocation de l’atmosphère de gaieté de ferveur et de convivialité le récit de mawlid en Égypte. Ou bien encore le grand magal mouride à Touba qui rassemble deux à trois millions de pèlerins dans une atmosphère étonnante, de piété mais aussi de « kermesse et de marché » (p. 235).

• De courts portraits des grandes figures de l’islam liées à ces hauts lieux de spiritualité : des femmes, Sayyida Zaynab sœur de Husayn, Fâtima, sœur du 8^e imam des shî’ites ; des mystiques, Ibn al-‘Arabî (1165-1240), le Persan Ne’matollâh Valî (mort en 1431), Amadou Bamba (1853-1927) le fondateur de la confrérie mouride.

• Dans l’exposé sur « la musique savante musulmane et son développement », on pourra retenir de nombreux points : une bonne présentation des facteurs de résistance de cet art à l’opposition des juristes-théologiens, et de son essor en Andalousie (rôle du grand musicien et compositeur, Ziryâb, IX^e siècle), puis en Afrique du Nord après la chute de Grenade.

Utilisation possible dans les programmes scolaires