Sommaire

Résumé

L’objet de ce livre est l’histoire de la tension entre le corps physique du pape et l’institution immortelle qu’il incarne. Les théologiens médiévaux eurent pleinement conscience de cette opposition et ils la soulignèrent par des dispositifs complexes, rituels et rhétoriques. L’auteur étudie d’abord les évolutions qui touchèrent la conception de la personne physique du pape et celle de sa figure institutionnelle. Il présente ensuite ce qui se passait lorsque survenait la mort réelle du pontife et enfin la façon dont, de son vivant, on se souciait de son corps afin d’essayer de prolonger son existence.

Le premier chapitre a pour point de départ un traité de Pierre Damien achevé en 1064, qui constate qu’aucun pontificat n’a jamais dépassé la durée de celui de saint Pierre. L’auteur suit, jusqu’à son extinction au XIX^e siècle, le topos des « années de Pierre » pour mieux centrer, ensuite, son analyse sur les thèmes de la caducité de la personne physique du pape et de l’auto-abaissement.

Le second chapitre est consacré aux métaphores corporelles appliquées à la figure institutionnelle du pape, seul et unique « vicaire du Christ » à partir de la fin du XII^e siècle. Sa personne incarnant totalement l’Église romaine à partir d'Innocent III (1198-1216), il était devenu nécessaire de dissocier sans la moindre équivoque la personne physique de l'institution.

Le chapitre 3 s’attache à analyser le rite des agneaux, la cérémonie de la rose d’or ainsi que la couleur blanche des vêtements pontificaux, autant d’éléments permettant de résoudre symboliquement le conflit entre la corporéité du pape et la très haute fonction qu’il était appelé à assumer.

Les trois chapitres de la seconde partie se focalisent sur les différents moments qui suivaient le décès du pontife. La nécessité de protéger le palais pontifical des saccages traditionnels, le soin apporté à l’ensevelissement du pape et les rituels funéraires s’intègrent tous dans une même chronologie ; elles témoignent là encore d’une dissociation croissante, à partir du milieu du XI^e siècle et jusqu’au XIII^e, entre la personne physique du pontife défunt et la pérennité institutionnelle de la papauté (chap. 1). Le parcours rituel imposé à la dépouille (chap. 2) puis la nouvelle cérémonie funéraire des Novemdiales (chap. 3) abondent dans le même sens.

Vient enfin le temps d’aborder le troisième aspect de l’histoire du corps du pape, celui de la stricte corporéité. Les aspirations nouvelles à la recreatio corporis (chap. 1) passèrent, au XIII^e siècle, par de fréquents séjours de la Curie hors de Rome et de son air insalubre au profit de cités pourvues notamment d’eaux thermales. À partir d’Innocent III, la cour pontificale prêta une attention inédite à la diffusion des œuvres médicales et des nouvelles formes de savoir sur le corps. Ainsi les sciences de la vision, liées à toute une réflexion sur l’esthétique et la beauté corporelle sont-elles propagées (chap. 2). De la même façon, le mythe occidental de la prolongation de la vie est popularisé (chap. 3).

L’ouvrage se clôt sur un épilogue intitulé « Boniface VIII », le pape qui rechercha le plus l’identification entre sa propre personne physique et l’institution pontificale.

Points forts

• Une véritable somme de travail et d’érudition, qui emprunte tout à la fois à l’histoire de l’institution ecclésiale, à celle des mentalités et des représentations ainsi qu’à celle des sciences.

• Une enquête poursuivie, lorsque cela était nécessaire, à travers l’époque moderne, voire contemporaine. On y trouvera donc bien des éléments de réflexion pour mieux comprendre ce que peut représenter le pape, et sa personne, encore aujourd’hui.

Utilisation possible dans les programmes scolaires

L.V.