Sommaire
Résumé
Les deux premiers chapitres de cet essai introduisent la démarche originale de l’auteur. Il confronte la pensée du grand « philosophe » musulman Ibn Khaldûn (XIVe siècle), à celle de ses « pairs » de la christianitas de la même génération que l’auteur de la Muqaddima, ouvrage exprimant la conviction de l’affaiblissement de la civilisation musulmane de l’Andalus à l’Ifrîqiya et l’inversion des rapports entre chrétienté latine et Maghreb.
Les chapitres III et IV marquent fortement l’ancrage de la pensée d’Ibn Khaldûn dans l’islam orthodoxe. Sa « théologie de l’histoire » (p. 50) est fondée sur la croyance en la « mission universelle » dévolue à l’islam depuis la révélation coranique. La « détérioration » observable dans l’histoire politique de l’islam est pensée selon les catégories aristotéliciennes (génération/corruption). Ibn Khaldûn en recherche les circonstances et les causes : l’affaiblissement de la civilisation urbaine, la mutation du pouvoir khalifal depuis les Rashîdun ; l’amollissement des mœurs et le goût du pouvoir. Son interprétation du phénomène de la « chute » de la civilisation est comparée aux critiques chrétiennes adressées par des « hérétiques », au pouvoir de la papauté (Guillaume d’Occam), aux abus de l’Église infidèle à sa mission (Wyclif ; Jean Huss…).
La plus grande partie de l’ouvrage souligne la profonde originalité de la pensée d’Ibn Khaldûn tout en évitant une lecture par trop moderniste et anachronique (chapitres V et VI). Elle est déclinée suivant plusieurs thèmes : le temps de l’histoire et des sciences rationnelles (chapitres VII et VIII) ; une conception de l’histoire « universelle » (chapitre IX) appliquée au Maghreb, à l’Ifrîqiya, à l’Andalus selon une méthode originale (chapitre XII) ; la civilisation, l’État (chapitre X) et la réflexion sur la ville (chapitre XI). Sur les questions de « philosophie politique », l’auteur conclut (chapitre XIV) à la « singularité » d’Ibn Khaldûn par rapport à ses contemporains du monde latin. Ceux-ci sont des clercs et juristes soumis à des contraintes intellectuelles liées à leur statut, et menant une réflexion politique autour de trois protagonistes (le pape, l’empereur, le roi) complètement étrangers au monde de l’islam dans lequel évoluait Ibn Khaldûn. Enfin, l’émergence du sentiment national en Occident latin est un trait particulier, déterminant pour comprendre la singularité du « génie » (p. 233) musulman immergé dans une société étrangère à cette évolution.
Points forts
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Parmi les principaux livres consacrés en 2006 à la célébration du 600e anniversaire de la mort d’Ibn Khaldûn, celui de l’auteur propose une relecture fondée sur une démarche originale, comparative et un portrait d’une grande figure complexe du monde musulman, sans omettre le caractère profondément religieux.
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Une conception de la science de l’histoire qualifiée par Ibn Khaldûn d’« entreprise entièrement neuve » (La Muqaddima, citée p. 92), et reconnue par les chercheurs actuels comme novatrice et « incomparable » (p. 85) à la fois dans le monde musulman et dans la christianitas jusqu’au XVe siècle. L’originalité du portrait de l’historien selon Ibn khaldûn dans la Muqaddima : à la fois savant soumis à des règles rigoureuses ; observateur des changements à la recherche des circonstances et des causes (chapitre V).
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La dette d’Ibn Khaldûn envers Aristote : il emprunte ses catégories de pensée (génération/corruption), en les transposant et en les appliquant à l’étude des sociétés humaines (Andalus, Maghreb, Ifrîqiya…)
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Une comparaison entre Ibn Khaldûn et des auteurs latins du XIVe siècle sur des questions fondamentales, le temps, l’histoire, l’État… La comparaison dégage les croisements possibles mais aussi les oppositions et donne un tableau intéressant du paysage intellectuel du monde musulman et de la chrétienté latine (chapitre XIII).
Utilisation possible dans les programmes scolaires
Classe |
Discipline |
Thèmes du programme |
Terminale |
philosophie |
La notion de religion. Christianisme. Augustin. ; Thomas d’Aquin. |
NS
Domaines religieux : Islam, Islam : Arts : Littérature, Islam : Politique et société : Relations avec l’État, Islam : Politique et société : Relations avec le christianisme
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Référence du document
Recension : « Pomian Krzysztof, Pomian Krzysztof, Ibn Khaldûn au prisme de l’Occident, Paris, NRF/Éditions Gallimard, 2006, 233 p. » 2008, , IESR - Institut d'étude des religions et de la laïcité , mis à jour le: 12/16/2016, URL : https://irel.ephe.psl.eu/ressources-pedagogiques/comptes-rendus-ouvrages/pomian-krzysztof-ibn-khaldun-au-prisme-loccident