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Sommaire
Résumé
Dans ce très riche ouvrage, P. Prodi développe des variations nombreuses autour d’un thème central : la question du dualisme entre la sphère du sacré et la sphère du pouvoir en Occident.
La crise religieuse de la fin du moyen âge amène certes à la Réforme protestante, mais aussi à la Réforme catholique, qu’il faut bien distinguer de la Contre-Réforme (chap. I). La Réforme catholique est un vaste élan réformateur, une réflexion sur soi de l’Église, notamment au cours du concile de Trente (1545-1563). La Contre-Réforme correspond aux seules réactions catholiques visant à contrer l’avènement du protestantisme. La discussion de ces deux concepts (Réforme catholique et Contre-Réforme) est importante pour saisir l’ampleur des mutations du catholicisme, suivant en cela les travaux du grand historien H. Jedin, qui a largement influencé l’historiographie italienne (chap. II). La recherche récente a ouvert de nouvelles voies, notamment sur les rapports étroits entre la transformation des structures de l’Église et la genèse des États modernes (chap. III). Certaines figures exemplaires, comme l’archevêque Charles Borromée ou le cardinal Gabriel Paleotti, illustrent bien le renouvellement impulsé dans l’Église par la Réforme catholique à partir du XVIe siècle (chap. IV). Borromée, canonisé dès 1610, a appliqué dans son diocèse de Milan la Réforme intérieure prônée par le concile de Trente (1545-1563), discipline religieuse qui influe aussi sur la société et les mentalités de la fin du XVIe siècle (chap. V). Les institutions ecclésiastiques et le droit canon ont eux-mêmes largement évolué sous l’influence du concile réformateur (chap. VI). Ainsi la monarchie pontificale connaît-elle une évolution lors de ce concile, avec la séparation progressive du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel (chap. VII). Ces deux aspects, qui coexistaient au moyen âge dans la double figure du pape (souverain pontife et prince spirituel), sont au cœur du processus de sécularisation, qui commence bien avant la période contemporaine (chap. VIII). La distinction entre autorité sacrale et autorité politique, fondée sur la parole du Christ et illustrée par le cas du pontife romain, éclaire jusqu’à la crise actuelle de l’État moderne (chap. IX). L’histoire constitutionnelle s’enrichit des apports du concile de Trente, l’ordre médiéval de la République chrétienne étant brisé par les princes séculiers (chap. X). Face à l’activisme du droit moderne, un droit canon nouveau émerge, forgé par la curie romaine et par les pères conciliaires, afin que les acquis de la Réforme catholique ne soient pas dénaturés (chap. XI).
La Réforme catholique amène la construction d’une nouvelle discipline, qui prend en charge à la fois les âmes, les corps et la société (chap. XII). Individu au sens moderne du terme, le chrétien, citoyen et sujet, se définit par la double appartenance, à l’Église d’une part et à l’État d’autre part ; cela pose le problème des rapports entre le principe religieux et le principe politique (chap. XIII). L’identité de l’homme moderne européen naît au cœur de ces tensions, avec par exemple la sortie de la pénitence religieuse de la sphère juridique (chap. XIV). De même, vis-à-vis de la loi et des tribunaux, le statut de la confession oscille entre pratique dévotionnelle et droit canon (chap. XV). Les frontières des catégories comme le crime, le délit ou le péché sont issues d’un processus normatif séculaire, qui réserve le monopole des consciences à l’Église et le monopole du droit à l’État (chap. XVI). Ces bouleversements ne peuvent qu’affecter les différents groupes sociaux, dont l’identité collective est remise en cause à l’époque moderne (chap. XVII). La vocation à la perfection est transformée, hésitant entre le retrait comme état parfait, ou comme voie ascétique qui ne garantit pourtant pas le salut (chap. XVIII). Les nouveaux ordres religieux incarnent quotidiennement la Réforme catholique, comme le montre la dimension ascétique et contemplative des Capucins (chap. XIX). À la fin de la période moderne, la présence de l’Église dans le monde a donc changé, élargissant l’évangélisation catholique à de nouvelles missions, comme celle de la « conquête spirituelle » de l’Amérique (chap. XX). L’éthique économique connaît de profondes métamorphoses, la naissance des Monts-de-Piété montrant, par exemple, la légitimation de la logique du profit (chap. XXI). Ces institutions de crédit sans but lucratif servant à la reconnaissance de l’épargne comme objectif social et religieux (chap. XXII).
Points forts
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Une réunion d’études fondamentales, traduites en français, d’un historien italien qui a beaucoup œuvré au renouvellement des perspectives sur l’histoire de l’Église de l’époque moderne.
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Une analyse très fine du lien entre les problèmes théologico-religieux et politiques de l’époque moderne, à l’origine même de la construction de la modernité occidentale. Cette perspective donne sa vraie place à l’étude de la religion, au cœur de toute réflexion politique.
BM
Domaines religieux : Christianisme, Christianisme : Politique et société, Christianisme : Doctrines et courants : Église catholique
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Référence du document
Recension : « Prodi Paolo, PRODI Paolo, Christianisme et monde moderne. Cinquante ans de recherches, Paris, Éditions Gallimard / Éditions du Seuil, « Hautes Études », 2006, 461 p. » 2008, , IESR - Institut d'étude des religions et de la laïcité , mis à jour le: 12/16/2016, URL : https://irel.ephe.psl.eu/ressources-pedagogiques/comptes-rendus-ouvrages/prodi-paolo-christianisme-monde-moderne-cinquante