Sommaire
Dans les cités grecques, de nombreuses pratiques religieuses sont liées à la maisonnée (l’oikos).
Des cultes sont rendus quotidiennement aux dieux protecteurs de l’oikos : leur nombre est divers, mais Zeus Herkéios, Zeus Ktésios et Hestia sont les plus importants. Zeus, en lien avec Hestia, veille sur le foyer privé de chaque oikos, ce dernier étant le symétrique du foyer commun de la cité, au cœur de la ville.
Des rituels accompagnent les événements marquants de la vie: naissance (amphidromie), arrivée d’un nouvel esclave, mariage, décès. Les dieux sont associés à tous ces événements par des prières, des offrandes ou des sacrifices qui s’organisent autour des autels qui leur sont consacrés, notamment l’autel foyer d’Hestia :
- Ces cultes familiaux ont des fonctions sociales ; ils intègrent les nouveaux arrivants à la maisonnée, ils définissent la place de chacun au sein de l’oikos et renforcent la solidarité du groupe. Le religieux contribue ainsi à marquer le statut social et la hiérarchie à l’intérieur de l’oikos en consacrant un ordre collectif que l’on retrouve dans la cité.
- Ces rituels sont ouverts aux femmes : elles y jouent un rôle religieux essentiel, notamment autour de la maternité, du mariage, de l’accueil au foyer (culte d’Hestia), reflet de leur rôle social. Les différents cultes domestiques restent cependant sous l’autorité du chef de famille. Par exemple, dans le rituel de l’amphidromie qui accompagne la naissance d’un enfant, c’est le père qui porte l’enfant autour du foyer, lui donnant ainsi sa légitimité et sa reconnaissance sociale au sein de l’oikos.
Mais les femmes sont parfois exclues, en particulier quand un rituel implique un lien avec la citoyenneté. C’est le cas de la fête des Apatouries, ou fête des phratries, célébrée dans la plupart des cités ioniennes au mois d’octobre pendant trois jours. La phratrie est un regroupement de familles autour d’un ancêtre commun, intermédiaire entre l’univers familial et la communauté civique.
Le document proposé (voir plus bas) est un extrait du décret de Hiéroclés, archonte de Décélie (Attique) pris en 396-395 av J.C, portant sur l’organisation de la fête des phratries à l’occasion de l’admission des nouveaux phratères, jeunes gens de 16 ans. Le texte décrit le vote d’admission des nouveaux phratères et l’organisation du sacrifice animal (Koureion) qui lui est lié.
Ce rite de passage consacre l’entrée du jeune dans la communauté « de ceux qui ont le même père ». Le novice quitte ainsi le monde de l’enfance, en sacrifiant ses cheveux longs offerts à Artémis.
Le rituel marquant un acte de filiation, il prépare aussi à l’entrée dans la communauté des citoyens. Les dieux sont associés à ce double passage, par des sacrifices, ici en l’honneur de Zeus Phratrios, dieu tutélaire de la phratrie.
En se reconnaissant membre de la phratrie par sa filiation le futur citoyen s’engage à respecter les croyances et à défendre les valeurs communes autour des ancêtres et des dieux. Il intègre ainsi une communauté culturelle, civique et religieuse.
Il n’y a pas d’équivalent de ce rituel pour les filles, puisqu’elles ne peuvent devenir citoyennes.
Pistes pédagogiques
Un travail sur les rituels familiaux permet de dégager quelques éléments :
- Articulation privé/public : les analyses de L. Bruit Zaidman montrent que si les femmes sont exclues de l’espace public de la citoyenneté, elles jouent un rôle spécifique dans les cultes familiaux qui forment une passerelle entre l’oikos et l’espace public. Ceci permet de comprendre leur place dans l’espace public à l’occasion de grandes fêtes religieuses et civiques comme les Panathénées.
- Les pratiques religieuses au sein de l’oikos montrent que les liens entre les Grecs et leurs dieux leur permettent de s’inscrire personnellement dans la communauté familiale, puis pour les garçons dans la communauté civique. Ce rapport établit un lien entre l’individu et le groupe.
- Distinction profane/sacré : celle-ci ne paraît pas opérante pour le monde grec. Les dieux sont associés à tous les événements de la vie de l’oikos.
Bibliographie
- Louise Bruit Zaidman, Les Grecs et leurs dieux, Armand Colin, 2005
- Louise Bruit Zaidman, « Histoire des femmes et histoire du genre dans le domaine religieux », article paru dans la revue Historiens et géographes, n° 392, octobre 2005
- Décret d’Hiéroclès, 396-395 av. J.-C., IG 1237. Cité dans « Les Grecs et leurs dieux », Louise Bruit Zaidman, Armand Colin 2005
« Sur tous ceux qui n’ont pas encore été soumis au vote d’admission, conformément au statut des Démotionides, les phratères voteront immédiatement ; ils s’engageront au nom de Zeus Phratrios et prendront leur jeton de vote (psêphos) sur l’autel. S’il apparaît qu’une personne a été indûment introduite dans la phratrie, son nom sera rayé par le prêtre et le phratriarque du registre conservé chez les Démotionides et de la copie dudit registre, et celui qui aura introduit l’exclu devra cent drachmes qui seront consacrés à Zeus Phratrios, le prêtre et le phratriarque recouvreront cette somme, sinon ils la devront eux-mêmes.
A l’avenir le vote d’admission aura lieu une année après l’offrande du koureion à la fête des Apatouries, au jour dit koureotis et le jeton de vote sera pris sur l’autel… »
Domaines religieux : Polythéismes antiques, Polythéismes antiques : Religions de la Grèce et de l’Égée
Guide des ressources : Enseignement : Documentation pédagogique, Enseignement : Histoire
Référence du document
« Rebeyrol Anne, Famille, religion, cité » , 2009 , IESR - Institut d'étude des religions et de la laïcité , mis à jour le: 22/12/2016, URL : https://irel.ephe.psl.eu/ressources-pedagogiques/fiches-pedagogiques/famille-religion-cite