Histoire
Sommaire
Éléments de cadrage
Le programme d'histoire de 5e commence par « Les débuts de l'islam », déclinés en plusieurs leçons qui représentent 10 % du temps consacré à l'histoire. Le programme distingue l'islam comme « fait religieux » et « l'Islam médiéval civilisation ». La figure du prophète de l'islam n'est étudiée qu'après la conquête de l'espace syro-palestinien [cf. fiche synthèse]. La démarche d'étude est fondée sur « les textes (Coran, Hadîths et Sîra, Sunna) ».
Pour la séquence intitulée « Mahomet et la religion musulmane », les manuels privilégient souvent la forme du « dossier » dans une double page consacrée aux récits fondateurs (Coran et Hadîth). La biographie de Mahomet est résumée en quelques lignes : le personnage « historique » est décrit comme un « marchand » ou un « caravanier », né à La Mecque vers 570. Les références à la mission religieuse sont précédées de : « Il affirme », « Il se présente... », « Il dit être ... » messager de Dieu, mais le récit glisse fréquemment au mode narratif externe et reprend la trame des « événements » de la Tradition musulmane. La religion est réduite aux « cinq piliers », à quelques règles de vie et à la description d'une mosquée.
Notions de base
- Révélation : En islam, la révélation est la « descente » (tanzîl) du Livre divin dans le « cœur » du messager, Muhammad.
- Nabî : prophète.
- Traditionnistes : Spécialistes de la chaîne de garants dans la transmission des hadîth et de l'étude du contenu.
Quelques repères données par la Tradition
Ces dates font l'objet d'un large consensus chez les auteurs des biographies occidentales classiques (William Montgomery Watt 1953, 1956, Maxime Rodinson, 1961).
- Vers 570 : Naissance de Muhammad, année de l’Éléphant (al-Tabarî), à La Mecque dans le Hedjâz.
- 622 : Selon une tradition, l’Hégire « historique » aurait eu lieu le lundi 12 Rabî‘ al awwal (3e mois de l’actuel calendrier islamique).
- 624 : « Bataille de Badr » au sud-ouest de Médine. Attaque victorieuse d'une caravane mecquoise par les fidèles de Muhammad. Prise d'un important butin. Allusions dans le Coran, 8, Le Butin, et 3, La Famille d'Îmran.
- 627 : Bataille de 'Uhud dite « Bataille du Fossé » près de Médine contre les Qoraysh (ou Qurayshites). Défaite des musulmans.
- 632 : Mort de Muhammad.
Les « données historiques » présentées par les manuels scolaires
Les résumés proposés dans les manuels scolaires s'en tiennent à un minimum d'informations : Muhammad est né en Arabie vers 570. Le mouvement religieux qu'il a conduit s'est étendu à toute l'Arabie et, après sa mort, par la conquête militaire, à de vastes territoires, de l'Iran à l’Égypte.
Comme l'a bien montré Tilman Nagel, la figure du Muhammad historique a été recouverte par le « Muhammad de foi », « Prophète d'Allah ». Son image idéalisée par les premières générations de musulmans se serait figée à partir du XIIIe siècle. Les croyants vénèrent Muhammad, messager de Dieu, « Beau Modèle », dont il faut imiter les dits, les actions, transmis et mis par écrit au cours des premiers siècles de l'Hégire. Le Prophète est le « Modèle » dans tous les domaines de la vie du croyant : rituels religieux, dévotions, moralité, comportements dans la vie privée et publique.
Face à l'indigence des données historiques, il conviendrait dans la classe de 5e de situer la vie de Muhammad et la naissance de l'islam dans un large contexte, géographique, culturel, religieux, en présentant les éléments essentiels sur une carte :
- L'islam n'est pas né dans un désert religieux : on insistera sur la présence de traditions religieuses diverses en Arabie (polythéismes en pleine évolution, monothéismes…) et dans l'aire proche-orientale (monothéismes juif et chrétien, zoroastrisme).
- Les puissants empires voisins (Byzantin, Sassanide) et leurs vassaux arabes respectifs (Ghassânides et Lakhmides, tous deux christianisés).
- La Mecque comme centre du grand commerce avec la Syrie, le Yémen, l'Irak et lieu de culte autour de la Ka'ba. La tribu dominante, celle de Muhammad, est divisée par des conflits de clans.
- Yathrib : lieu de l'installation d'une nouvelle communauté autour de Muhammad. Pour l'historien Michael Lecker, (2010) l'arrivée de Muhammad à Médine fut un véritable takeover (prise de contrôle) des tribus affaiblies par l'émergence d'une sorte de « Fraternité » (W. M. Watt) dont la cohésion sociale repose sur la croyance, sans renoncer toutefois aux formes de hiérarchies tribales et d'organisation sociale pré-islamique. Yathrib fut aussi le point de départ des expéditions militaires contre La Mecque puis contre toute l'Arabie.
Muhammad, Mohammed, Mahomet ?
Le programme officiel de la classe de 5e a choisi de nommer le prophète des musulmans, Mahomet. Ce nom a aussi la faveur d'universitaires et de la plupart des éditeurs français d'ouvrages d’histoire et de manuels scolaires.
En linguistique, Mahomet est une des formes dialectales corrompues du nom arabe Muhammad. Elle présente une forte distorsion entre le nom arabe et la forme française. Ce doublon a sa source dans les images polémiques de l’islam, produites et transmises par la chrétienté latine et grecque médiévale. Dans les langues romanes le nom du prophète des musulmans a été intégré dans des formes péjoratives conformément au contexte de leur élaboration – abomination de l' « infidèle » suppôt de Satan. À titre d'exemple, Mahoumet, « mauvais génie » côtoie Mahom « lourd et grossier », idole, etc. Dans la Chanson de Roland (fin XIe), Mahomet est à la fois une idole et un faux-prophète. Au cours des croisades, bien que le savoir sur l’islam progresse dans la Chrétienté, l’image polémique et négative de l'islam se consolide, on la retrouve par exemple dans le célèbre Speculum historiale (L 23, ch. 39 à 68) du dominicain Vincent de Beauvais (XIIIe).
S'il est utile de sensibiliser les enseignants au débat sur les termes désignant le prophète, il suffirait de faire comprendre aux élèves de 5e que le terme de Mahomet est un produit des représentations négatives du Moyen Âge, une dénomination issue des milieux ecclésiastiques, dans un contexte d'affrontement mais aussi d'échanges intellectuels, techniques et commerciaux entre la Chrétienté et l'Islam.
Rappelons que le prénom de Muhammad, est le plus populaire dans le monde pour les garçons (Jonathan E. Brockopp, Introduction, The Cambridge Compagnon to Muhammad, Cambridge University Press, 2010).
Connaître les textes
1) Les sources musulmanes qui ont servi à la biographie de Muhammad sont postérieures à sa mort. Tous les textes ont été écrits en arabe, et ont été mis en forme hors de l'Arabie, dans les territoires nouvellement conquis qui constitueront le cœur de l'empire arabo-musulman (Syrie, Mésopotamie, Perse...). Les textes les plus pertinents pour les historiens seraient peu nombreux (moins de dix selon A. Jeffery, 1926). Ils sont de trois types :
1.1- Le Coran : peut-il être considéré comme une source primaire pour la biographie de Muhammad et les origines de la Umma ? Les chercheurs sont divisés sur la question. Dans le corpus coranique les allusions à des événements de la vie de Muhammad sont rares. Elles concernent en particulier les expéditions militaires victorieuses (Badr, 3, 123 et Hunayn, 9, 25). Le texte est silencieux sur les origines du prophète et le contexte historique et social où s'est déroulée sa vie.
[Notice les traductions du Coran en français]
Les sources écrites privilégiées par les biographies classiques sont :
1.2- La Sîra, les sîra
Le terme arabe de sîra désigne un genre biographique mais la Sîra est plurielle en raison des nombreuses compilations qui rassemblent les traditions biographiques du prophète. Les premiers récits sont nés dans un contexte de conflits et de rivalités tribales, politiques, idéologiques, entre les « Compagnons ». La Sîra a été produite dans un contexte de rivalité avec les autres religions du Livre. En répondant aussi aux besoins spirituels, normatifs, culturels des générations de musulmans de l'empire arabo-musulman, la biographie religieuse a figé l'image du Muhammad à partir du XIIIe siècle.
Les sîra des premiers siècles de l'islam suivent la même chronologie et donnent du Prophète un portrait idéalisé. Les récits sont précédés de la chaîne des garants de la transmission.
- Le noyau primitif est la biographie du « Messager » par Ibn Ishâq (m. 767). La plus citée des sîra est celle de Ibn Hishâm (m. 833) qui reprend une grande partie de l’œuvre de son prédécesseur sous le titre Al-Sîra al-Nabî [Ibn Hishâm, La Sîra, trad. W. Atallah, Paris, Fayard, 2004]. Attaché à peindre un portrait édifiant du messager, Ibn Hishâm élimine les éléments qu'il considère « abominables » ou gênants pour les proches du Prophète ou ses « Compagnons ».
- Ibn Sa'd (m. vers 845) fut le secrétaire d'al-Wâqidî, cadi des armées du calife Haroun al-Rachid, mais aussi traditionniste et auteur d'une Chronique des expéditions militaires de l'Envoyé de Dieu. La première partie du célèbre ouvrage de Ibn Sa'd (8 vol.) – Le Livre des Tabagât – est une encyclopédie de la vie de Muhammad selon les données du hadîth.
Les sîra sont intégrées dans des ouvrages plus tardifs comme celui d'al-Tabarî (829-923) qui a utilisé une des quatre copies de la Sîra d'Ibn Ishâq pour la rédaction de la vie du Prophète dans sa chronique en arabe, Histoire des prophètes et des rois, dont une partie raconte la vie du Prophète de l'islam. De son œuvre ne subsiste que la recension (12 volumes) en persan, établie quarante ans plus tard par son continuateur al-Bal'amî. Al-Tabarî est aussi un grand jurisconsulte, commentateur du Coran, et historiographe.
1.3- Le Hadîth : Dans la tradition religieuse de l'islam le terme s'applique à la « tradition prophétique ». Elle a été transmise et consignée dans de volumineux corpus de textes relatant les dits, les faits, les gestes du Prophète et de ses compagnons. Elle constitue le matériau essentiel des sîra et de la Sunna.
La Sunna n'est pas un texte, bien que le programme officiel inclue la Sunna dans les « textes » fondateurs. C'est l'ensemble des normes musulmanes concernant les croyances, les comportements des croyants, normes fondées sur le Coran et les hadîth. À partir du IXe siècle, elle impose à la communauté des croyants des règles de vie et des doctrines.
2) Introduire des auteurs non musulmans ?
Pour l'historien anglais Robert G. Hoyland, les observations « extérieures » présentent un triple intérêt : elles sont datables ; elles révèlent un changement « majeur » dans la perception de Muhammad chez les musulmans des deux premiers siècles de l'Hégire ; enfin, on y retrouve des informations « omises » par les musulmans. Parmi ces « regards extérieurs » (une centaine de sources entre 630 et 750), il cite la Chronique de Théophile d'Edesse, mi-VIIIe.
Théophile d'Edesse est un chrétien syrien (m. 785). Grand astrologue du troisième calife abbasside al-Mahdî, il résidait à Bagdad et participa au mouvement de traduction en arabe des textes grecs. Sa Chronique a été perdue mais elle est la source commune des grands chroniqueurs syriens du IXe au XIIIe siècles.
« Lorsqu’il (Mahomet) eut atteint l’âge et la taille de jeune homme, il se mit, à partir de Yathrib sa ville à aller et venir vers la Palestine pour le commerce, pour acheter et vendre. S’étant habitué à la région, il fut attiré par la religion de l’unique Dieu et il revint vers les gens de sa tribu. Il leur proposa cette croyance. Il en persuada un petit nombre qui adhérèrent à lui. De plus, il leur vantait l’excellence de la terre de Palestine, leur disant : « C’est à cause de la croyance à l’unique Dieu que leur a été donnée cette terre si bonne et si fertile. » Et il ajoutait : « Si vous m’écoutez, Dieu vous donnera à vous aussi une bonne terre où coulent le lait et le miel. » Comme il voulait renforcer sa parole, il dirigea une troupe de ceux qui avaient adhéré à lui, et il commença à monter vers la terre de Palestine, attaquant, ravageant et pillant. Ils revinrent chargés (de butin) sans avoir subi de dommages, et ils ne furent pas frustrés de ce qu’il leur avait promis. Dès lors, mus par l’ardeur de posséder, ils s’en firent une habitude. Ils se mirent à monter de nouveau pour piller, et à revenir. Ceux qui n’avaient pas encore adhéré à lui virent que ceux qui s’étaient soumis à lui jouissaient d’abondantes richesses, et ils furent entraînés à se soumettre à lui sans résistance. Ensuite, comme les hommes qui le suivaient étaient devenus une troupe très nombreuse, il ne les conduisit plus (lui-même) pour piller, et il resta à Yathrib sa ville, dans les honneurs."
Cité et traduit par Alfred de Prémare, Les fondations de l'islam, Paris, Seuil, 2002.
Croiser les textes et les images. « Raconter et expliquer » quelques épisodes significatifs des croyances » (Programme officiel)
Quelles croyances sélectionner ? Avec quel objectif ?
1) Le Voyage merveilleux
À partir d'un noyau commun de la fin du VIIIe siècle, la tradition a interprété les récits des deux voyages mystérieux auquel le Coran fait allusion et que le Prophète aurait accomplis – « voyage terrestre nocturne » et « ascension » – mais au IIIe siècle de l'islam, il n'existait encore aucun consensus sur l'ordre des voyages, sur leur interprétation et sur leur association en un seul événement.
Les plus anciennes narrations sont celles de Ibn Sa'd et d'Ibn Hishâm, cette dernière est contemporaine de la formation de la science des hadîth, elle mentionne les variantes et donne une liste des garants qui légitiment son récit.
Les deux narrations ont en commun :
- Des événements séparés et situés avant l'Hégire.
- La référence au Coran.
- Les cinq prières auraient été révélées au Prophète à l'occasion de l'ascension (al-mirâ'dj).
- La justification du « voyage » : il manifeste la puissance de Dieu ; cet argument d'autorité prouve la mission divine de Muhammad, dernier des prophètes.
À partir de cette trame, les hadîths et l'imaginaire musulman, enrichiront les plus anciens récits de la Sîra. L'ascension visionnaire s'accompagnera d'une myriade d'anges, d'une échelle céleste, de rencontres avec les Grands prophètes, et une vision de l'enfer et du paradis.
Ce « voyage » amplifié par les récits post-coraniques est extrêmement important dans l'élaboration du dogme musulman : il témoigne de la supériorité de Muhammad sur les grands prophètes, il s'entretient avec Dieu après sa visite du septième ciel, et reçoit l'ordre divin de l'obligation de la prière, « salât », lors des prosternations quotidiennes. Les cinq prières constitueront le deuxième « pilier » des pratiques de l'islam. Il est intéressant aussi d'évoquer à cette occasion le premier « pilier », la shahâda (attestation de la foi) prononcée lors de la prière rituelle.
Miniature persane du XVIe siècle attribuée au calligraphe et peintre Sultan Muhammad. Elle illustre le livre de poèmes épiques de Nizâmî (XIIe), Khamseh.
British Library http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Miraj_by_Sultan_Muhammad.jpg [Remarque : autres résolutions disponibles sur Wikipedia Commons]
2) La Bataille de Badr
Selon la Tradition, la bataille – d'une grande violence – eut lieu deux ans après l'Hégire. Les musulmans attaquèrent la caravane mecquoise sur le chemin du retour de Damas (Syrie) en mars 634 près de Badr, étape caravanière à plus de cent kilomètres au sud-ouest de Médine. Les 314 musulmans, « Expatriés » et « Auxiliaires » médinois auraient remporté la victoire sur près d'un millier de défenseurs mecquois.
Le choix de l’événement de la bataille de Badr présente un triple intérêt pédagogique pour le personnage de Muhammad.
- Les événements militaires de la vie de Muhammad à partir de 627 sont d'une extrême importance, par leur rôle dans l'organisation de la nouvelle communauté des Croyants, et les combats qui conduiront à la soumission de La Mecque suivie de celle de toutes les tribus d'Arabie. Ils préfigurent la dynamique de la conquête arabe après 632.
- Selon les exégètes des premiers siècles de l'islam, (al-Tabarî...), cette bataille – que le Prophète aurait lui-même conduite – est évoquée dans deux sourates du Coran (8, Le Butin et 3, La Famille d'Îmran).
- En croisant le récit d'al-Tabarî (fin IXe-début Xe) avec l'iconographie de la bataille, on pourra montrer que l'historiographie musulmane des premiers siècles de l'islam ne cherche pas à établir l'authenticité de l’événement, son objectif est de montrer le miracle de l'intervention divine dans le sort de la bataille, prouvant une nouvelle fois la protection miraculeuse dont jouit le prophète. C'est l'image que la nouvelle communauté élue, l 'Umma, veut donner d'elle.
Textes
1. Coran (Le Butin, 8, 17)
2. Al-Tabarî
« Lorsque les anges se disposèrent à charger l'armée impie, le prophète ramassa une poignée de poussière et la jeta contre les infidèles, en disant : Que vos faces soient confondues ! Dieu commanda au vent de porter cette poussière aux yeux des infidèles, qui en furent aveuglés. Chargés par les anges, qui étaient en avant des fidèles, ils se mirent à fuir. Les anges les poursuivirent, les frappèrent de leurs bâtons et les firent tomber. Chaque coup qu'un ange portait à un infidèle lui brisait tous les os de son corps, depuis la tête jusqu'aux pieds, […] Nous reconnûmes que cela n'était pas de notre fait, mais l'œuvre de Dieu. Il est dit, en effet, dans le Coran :
“Ce n'est pas vous qui les avez tués, mais Dieu ; ce n'est pas toi qui as jeté la poussière, mais Dieu” Coran, Le Butin, 8, 17 » p. 137-176.
Mohammed, sceau des prophètes : une biographie traditionnelle, trad. par Hermann Zotenberg ; préface de Jacques Berque, Paris, Sindbad/La Petite bibliothèque de Sindbad, 1989.
Rééd. Tabarî, La Chronique. Histoire des rois et des prophètes, Arles, Actes Sud Sindbad, (« Thesaurus »), 2001, « Mohammed, sceau des prophètes », vol. 2.
On trouve une illustration de la bataille de Badr dans le Siyar i nabî, épopée composée en turc au XIVe siècle à la demande d'un sultan mamelouk du Caire. L'ouvrage est entièrement consacré à la vie du Prophète (nabî). Les six volumes manuscrits ont été illustrés au XVIe siècle de plus de 800 miniatures qui constituent la plus grande série d'images religieuses de l'art islamique. À l'exception d'un volume perdu, les manuscrits ottomans ont été dispersés dans des musées ou des bibliothèques.
- Muhammad à la bataille de Badr, folio, musée de Topkapi, Istanbul, vers 1594-1595
Le Prophète commande ses troupes assis sur une sorte de litière placée en haut d'un monticule. Il est entouré de flammes, sa tête est voilée. Il a la double posture d'un chef de guerre et d'un saint. L'ange Gabriel, vient lui apporter le soutien des anges dans l'affrontement. L'assaut est donné contre des cavaliers casqués, vêtus de côtes de mailles.
Muhammad dans la littérature
On se référera à la fiche d'Emmanuel Mourtada
Pour en savoir plus
La biographie de Muhammad entre histoire et croyance. Un défi « impossible » ? Un genre « dépassé » ?
La minceur des données historiques sur la vie de Muhammad contraste avec la profusion d'études et de monographies idéalisées et apologétiques, en particulier chez les auteurs musulmans.
Dans son article « Mahomet et les origines de l'islamisme » (1851), E. Renan se félicite de l'intérêt de ses contemporains (G. Weil, 1843 ; Caussin de Perceval, 1847-1848 ; W. Irving, 1850...) pour la vie de Mahomet et de l'abondance des sources sur l'apparition de l' « islamisme ». Au XIXe siècle, en Occident, les relations avec les pays musulmans, une meilleure connaissance de la langue arabe et des sources islamiques, créent des conditions favorables à l'entrée du Prophète dans une histoire plus sereine, la rupture est consommée avec la figure diabolique et négative de l’Antéchrist.
« Au lieu de ce mystère sous lequel les autres religions enveloppent leurs origines, celle-ci naît en pleine histoire ; ses racines sont à fleur de sol. La vie de son fondateur nous est aussi bien connue que celle de tel réformateur du XVIe siècle. Nous pouvons suivre année par année les fluctuations de sa pensée, ses contradictions, ses faiblesses. Ailleurs, les origines religieuses se perdent dans le rêve ; le travail de la critique la plus déliée suffit à peine pour discerner le réel sous les apparences trompeuses du mythe et de la légende. L’islamisme au contraire, né au milieu d’une réflexion très avancée, manque absolument de surnaturel. Mahomet, Omar, Ali ne sont ni des voyants ni des illuminés, ni des thaumaturges. Chacun d’eux sait très bien ce qu’il fait, nul n’est dupe de lui-même ; chacun s’offre à l’analyse à nu et avec toutes les faiblesses de l’humanité. »
Revue des Deux Mondes, T. 12, 1851 p. 1065.
http://fr.wikisource.org/wiki/Mahomet_et_les_origines_de_l%E2%80%99islamisme
Pourtant, un tel optimisme n'est pas partagé par tous les orientalistes en particulier le grand spécialiste du Hadîth I. Goldziher, 1889-1890.
Peut-on prétendre aujourd'hui sortir de l'impasse et écrire une biographie historique de Muhammad ? La question revient en permanence dans le champ de la recherche. Les sources anciennes – notamment du premier siècle de l'islam – sont rares. Aucune recherche archéologique n'a été conduite dans les « villes saintes » arabes de La Mecque et de Médine, berceaux de la nouvelle religion. Les historiens disposent pour l'essentiel des biographies musulmanes donnant de Muhammad un portrait idéalisé - « le Beau Modèle ». Tout en recherchant le Muhammad historique, les biographies classiques « critiques », produites en Occident depuis la seconde moitié du XIXe siècle, ont utilisé le matériau de base des auteurs musulmans des premiers territoires islamisés et leur trame chronologique. Leurs critiques, circonscrites aux questions de chronologie, de vraisemblance historique des récits et de l'authenticité de la chaîne des transmetteurs, ont ignoré les « contextes de foi » (M. Arkoun, 2005).
L’islamologue H. Motzki résume ainsi le dilemme : « D'un côté il n'est pas possible d'écrire une biographie du prophète sans être accusé de faire un usage non critique des sources ; tandis que d'un autre côté, lorsqu'on fait un usage critique des sources, il est simplement impossible d'écrire une telle biographie. » [The Biography of Muhammad : The Issue of the Sources, Leiden, Brill, 2000, XIV].
Pourtant, le savoir sur l'islam progresse. Actuellement les ouvrages en anglais dominent l'ensemble des publications. De nouveaux champs de recherche – qui ne font pas l'unanimité du monde scientifique – se dessinent aujourd'hui. Les grandes biographies à succès – genre que certains historiens considèrent comme « dépassé » – côtoient des recherches minutieuses portant sur le contexte de la naissance de l'islam, sur les matériaux et la façon dont a été construite l'image idéalisée de Muhammad. On relèvera quelques-unes de ces orientations :
- Étude du contexte historique du Hedjâz et de l'ensemble de l'Arabie, en particulier les cultures arabes (contexte dynastique, rituels, traditions pré-islamiques de La Mecque et de Médine) et environnement religieux (communautés juives, chrétiennes, zoroastriennes...).
- Recherche de « traces de réalité », d'un « noyau historique » dans des événements rapportés par certaines versions de la Sîra (H. Motzki, 2000, A. Görke, 2012).
- Mise en évidence de « modèles » de composition dans les récits biographiques, communs aux traditions religieuses monothéistes du Proche-Orient (judaïsme, christianisme). Ainsi, l'historien israélien Uri Rubin (1995) décrit-il cinq « schèmes » de composition dans les traditions relatives à la période mecquoise: annonciation, initiation, révélation, persécution, salut. Ces schèmes adaptés à la nouvelle religion auraient été intégrés dans les recueils de Sîra et mis en relation avec le Coran.
- Situer les sîra dans le contexte de débats théologiques et de polémiques contemporains de leur composition : les auteurs musulmans veulent exalter une image du Prophète à l'égal de Jésus et prouver que sa venue a été annoncée par les Écritures. Pour Uri Rubin, la biographie de Muhammad a été « façonnée » sur les modèles prophétiques bibliques, afin de « convaincre les Gens du Livre, qui ont refusé de reconnaître en Muhammad un prophète à l'égal des prophètes tel que les leurs » [The Eye of the Beholder: The Life of Muhammad as Viewed by the Early Muslims: A Textual Analysis, Princeton, Darwin Press, 1995, p. 44].
- S'appuyer sur le Coran grâce aux avancées considérables des études coraniques depuis les années 1970. Pour Tilman Nagel (2008), le Coran témoigne d'une expérience religieuse prêchée en Arabie par Muhammad. Cette nouvelle prédication s'enracine dans l'environnement des pratiques monothéistes apparues en Arabie et bouleverse les « loyautés » claniques traditionnelles de la société mecquoise, les solidarités et les données politiques. La prédication évolue durant la période mecquoise, parallèlement aux ambitions politiques de Muhammad. L’Hégire lui permet de fonder une nouvelle communauté et d'assurer son pouvoir militaire.
- Partir des sources extérieures datables, juives, chrétiennes, et zoroastriennes, pour retrouver le « regard » sur l'islam, des contemporains non musulmans des deux premiers siècles de l'Hégire (Robert G. Hoyland, Seeing Islam as Others Saw It..., Princeton, N.J., Darwin Press, 1997).
Sélection bibliographique
Boespflug François, Le Prophète de l’islam en images, Paris, Bayard, 2013.
Djaït Hichem, La vie de Muhammad. Le parcours d'un Prophète à Médine et le triomphe de l'islam, Paris, Fayard, 2012.
Nagel Tilman, Mahomet. Histoire d’un Arabe. Invention d’un Prophète, Genève, Labor et Fides, 2012 [2010].[Compte-rendu]
Montgomery Watt William H., Mahomet, Payot, Bibliothèque historique, trad. française, 1989. [Compte-rendu]
Rodinson Maxime, Mahomet, Seuil, coll. « Politique », Paris, 1961, [Compte-rendu]
Nef Annliesse, Van Renterghem Vanessa, Muhammad (La Documentation Française, 2011, coll. « Récits primordiaux »).[Présentation]
Sélection iconographique
Sélection iconographique sur les enluminures en islam : voir la présentation d'Annie Vernay-Nouri (BnF) "Un art figuratif en Islam"
Domaines religieux : Islam
Guide des ressources : Enseignement : Histoire, Enseignement : Personnages, Enseignement : Programmes scolaires, Enseignement : Synthèses et applications pédagogiques
Référence du document
« Samadi Nicolle, Muhammad » , 2014 , IESR - Institut d'étude des religions et de la laïcité , mis à jour le: 16/12/2016, URL : https://irel.ephe.psl.eu/ressources-pedagogiques/fiches-pedagogiques/muhammad