Sommaire

Résumé

Ce livre est consacré à une image en plein essor entre les xi^e et xiii^e siècles : celle du paradis céleste figuré par un vieillard tenant contre lui de petites figurines d’enfants. Il s'agit du sein d’Abraham, figure paternelle, dans lequel viennent se lover les élus.

Il s’agit en fait d’un livre sur la parenté spirituelle, que l’auteur distingue de la parenté charnelle et de la parenté divine.

Le premier chapitre est consacré aux représentations sociales de la parenté médiévale.

Le second chapitre montre comment, avec les Pères de l’Église, la réinterprétation chrétienne de la paternité d’Abraham a élaboré un nouveau type de filiation. La filiation chrétienne se transmet dorénavant, non par la chair, mais par la fidélité au Christ. L’auteur s’intéresse aux lectures médiévales du sacrifice d’Abraham. L’analyse des images (p. 80-98) montre qu’il est un lieu essentiel où s’exprime la conception médiévale de la parenté, selon laquelle la filiation charnelle ne peut exister sans la soumission du père au Père absolu, Dieu.

L’étude du sein d’Abraham comme figuration du paradis céleste fait l’objet des quatre chapitres suivants. L’auteur montre que le sein d’Abraham est « un lieu plurivalent » (p. 107) qui implique de tenir compte, pour chaque cas, de l’époque et du contexte (chap. III). La période de plus grand essor du motif est le xiii^e siècle, avec une concentration d’images le valorisant sans réserve dans la période 1180-1240. Ce qui est déterminant, c’est moins l’évolution théologique du sein d’Abraham que « sa valeur d’image, d’évocation sensible, comparable à celle des formules liturgiques » (p. 138). Il convient alors pour l'auteur de s’intéresser aux vertus de cette image et aux ressorts profonds de son efficacité. L'auteur analyse ainsi le caractère paternel du paradis d’Abraham (chap. IV), puis la relation d’inclusion corporelle entre les élus et le patriarche (chap. V). Le déclin des figurations du sein d’Abraham à partir du xiv^e siècle permet, de mieux comprendre à rebours, la « dynamique historique » (p. 229) qui porte ce thème dans la logique sociale des xi^e-xiii^e siècles (chap. VI).

Deux derniers chapitres ouvrent enfin des perspectives plus larges en intégrant le sein d’Abraham dans un ensemble de représentations, un « réseau iconographique » (chap. VII). L'auteur conclut en tentant de répondre à une question essentielle (chap. VIII) : qu’est-ce qu’un père au Moyen Âge ?

Points forts

• Une leçon de méthodologie, fondée sur un corpus de 317 œuvres que l’auteur prend soin de ne pas traiter de façon unitaire et globale. L’approche sérielle a ainsi pour corollaire une nécessaire « fragmentation » (p. 109) de la masse documentaire, qui tient compte, pour chaque œuvre, du temps et de l’espace, de la diversité des supports et du contexte thématique dans lequel apparaît le sein d’Abraham.

• Un positionnement idéologique antilibéral affiché dans l’« ouverture » et la « chute », mais qui s’efface totalement pendant la démonstration. À ce titre, la dénonciation de « la catastrophe d’aujourd’hui » (p. 349) donnera, pour certains lecteurs, du sens à l’ouvrage ; pour tous, sans doute, un peu de sel…

Utilisation possible dans les programmes scolaires

L.V.