Sommaire

Résumé

La période qui s’étend du concile de Latran IV (1215), aux conséquences majeures sur l’intensification de la christianisation occidentale, jusqu’à l’irruption du Luthéranisme à partir de 1517, est conçue dans les représentations collectives comme très contrastée, ainsi que le rappelle l’auteur dès l’introduction d’un ouvrage qui entend donner « aux images mémorielles des nuances qui les rendent sans doute moins efficaces mais plus proches de l’expérience des contemporains et, surtout, moins piégées » (p. 3). La progression s’effectue ensuite en douze chapitres, en commençant par un bilan au début du XIII^e siècle, tant de la situation générale de l’Occident latin (chap. 1) que du monde des réguliers — en plein renouveau grâce à la naissance des ordres dits mendiants (chap. 2). L’essor de ces derniers permet de traverser le XIII^e siècle, marqué par le recul en Terre Sainte (fin des croisades) mais l’avancée dans la péninsule Ibérique et sur les rivages de la mer Baltique, l’accroissement de la centralisation romaine et, corrélativement, des rivalités exacerbées, d’Innocent III à Boniface VIII, avec les pouvoirs des souverains temporels (chap. 3). La construction d’un édifice institutionnel et d’une machinerie administrative sans égaux s’incarne dans le paysage monumental d’une ville bouleversée par son soudain statut de capitale, Avignon, qui abrite la papauté de 1316 à 1377 (chap. 4). L’épisode avignonnais est contemporain d’un véritable tournant dans l’histoire de l’Occident, marqué par une crise économique, démographique et politique au cœur de laquelle le « trio mortifère » (peste, guerre, famine) marque durablement les consciences et les comportements religieux. Les difficultés du XIV^e siècle et de la première moitié du XV^e siècle n’entraînent pas pour autant l’arrêt des efforts pastoraux, comme le montre le panorama des cadres et des pratiques brossé par l’auteur dans quatre chapitres successifs permettant au lecteur de prendre la mesure de l’enchevêtrement de l’Église avec les réalités sociales, de la vie paroissiale à l’activité universitaire en passant par les mutations de la sainteté (chap. 5-8). À partir du « Grand Schisme » (1378-1417), les appels à la réforme de l’Église se multiplient et fragilisent la papauté lors des conciles de Constance (1414-1418) et Bâle (1431-1443), où s’épanouit une intense réflexion sur le gouvernement de l’Église et la contestation d’une autorité pontificale sans limites (chap. 9). Vers 1450, « la restauration du pouvoir de la papauté ne signifie pas le retour à la situation du XIII^e siècle ; la donne a profondément changé » (p. 221). En outre, les deux derniers siècles du Moyen Âge voient surgir de nouvelles menaces pour l’Occident chrétien, qu’elles soient réelles — comme le Hussitisme en Bohême — ou imaginaires — tels l’invention de la sorcellerie ou les crimes imputés aux populations juives prises comme boucs émissaires et massacrées (chap. 10). Les difficultés et convulsions marquant la vie de l’Église n’empêchent pas le monde des réguliers d’être traversé par d’importants courants de réforme soucieux d’un retour à « l’observance », ce qui est un signe de vitalité mais ne contribue pas à apaiser les tensions nées de la diversité des conceptions et des aspirations (chap. 11). Au terme du chemin, après avoir effectué un tour d’horizon des Églises d’Occident à la charnière des XV^e et XVI^e siècles (chap. 12), l’auteur peut conclure sur l’incontestable réussite de l’œuvre de christianisation médiévale, mais aussi sur les éléments de continuité — notamment dans les tensions et exigences réformatrices — sans lesquels il est impossible de comprendre le siècle de Luther et du concile de Trente.

Points forts

• Les atouts d’un ouvrage de cette collection devenue « classique » : clarté et concision, pour un manuel utilisable à tous les niveaux d’étude.

• Sous la plume de l’une des meilleures spécialistes de l’histoire de la vie religieuse tardo-médiévale, une alliance remarquable de la forme (structuration fine, élégance de la langue) et du fond (discours tout en précision), au service d’un diagnostic nuancé mais ferme.

L.V.