Sommaire
Résumé
L’A. démontre dans cet ouvrage les liens existant entre la sorcellerie et la construction d’un nouveau système politique. Comme il l’explique, la chasse aux sorcières « permet le passage d’un univers gouverné de manière prédominante par le religieux au monde contrôlé essentiellement par le souverain, même si celui-ci fait une part très importante à la religion » (p. 9). Dans ce processus, « le mythe de la sorcière fut l’exacte image inversée du roi des Temps modernes dans une conception dualiste des choses tout autant politique que religieuse » (p. 10). Après avoir présenté une synthèse sur l’historiographie de la chasse aux sorcières depuis le xviiie siècle, l’A. rappelle que ce n’est que lorsque les juges laïcs acceptèrent de se charger de la répression de la sorcellerie, à partir des années 1580, que les bûchers connurent un réel succès. Le pouvoir civil a donc décidé d’assumer un discours aux origines religieuses afin d’asseoir le processus de construction de l’État moderne : la sorcière devint ainsi l’archétype du mauvais sujet, coupable du crime de lèse-majesté divine dont la progressive définition juridique est retracée dans le chapitre 3. Ce crime est le pire de tous ceux qui peuvent être commis : la sorcellerie cherchant à singer Dieu, elle est avant tout une négation de sa souveraineté. Dans le cadre d’une culture judiciaire considérant que les crimes religieux sont une atteinte à l’ordre politique et social, il est logique que les magistrats se soient occupés de cette répression.
Le modèle explicatif centré sur les faiblesses du corps politique (entendu dans sa dimension la plus large, puisque le rôle des différents magistrats y est mis en valeur) ne peut suffire à expliquer l’ampleur de la chasse aux sorcières. L’A. montre ensuite à quel point cette politique a pu rencontrer le consentement des populations, ce qui est alors mis en liens avec les processus de modernisation. Ceci explique le nombre de dénonciations venant d’enfants et visant leur propre famille : « les mutations culturelles et religieuses subies par les noyaux familiaux de base » sont mis en avant comme facteur explicatif et la persécution des sorcières devient « une rupture culturelle avec le passé sous l’impact d’une éducation nouvelle des enfants » (p. 163). Ainsi s’explique également le nombre important de vieilles femmes parmi les victimes : ce sont elles qui assuraient une grande part de la transmission dans une civilisation massivement orale et étaient à ce titre des « concurrentes des nouveaux systèmes de savoir et de pouvoir en voie d’installation » (p. 164). Le consentement des populations à ce système de persécution et la part active qu’elles y ont prise est ainsi analysé « comme un révélateur symbolique de profondes mutations internes » (p. 229). À l’inverse, « la fin des procès de sorcellerie indique qu’un équilibre moins conflictuel a fini par s’instaurer entre les traditions et les nouveautés » (p. 235). C’est donc par une grille de lecture qui laisse toute sa place aux dimensions politiques et religieuses de la confessionnalisation que l’A. analyse la chasse aux sorcières.
- Domaine : christianisme.
- Sous-domaine : Catholicisme. Protestantisme. Clergé. Représentations collectives et mentalités. Croyances. Renaissance. Réforme et Contre-Réforme. Les Lumières. Théologie. Relations avec les pouvoirs publics.
- Profil : Ouvrage spécialisé.
Points forts
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L’attention de l’A. aux richesses fournies par une interdisciplinarité bien comprise lui permet de proposer un schéma d’explication d’une des pages d’histoire qui, bien que relativement courte, a gardé une grande importance dans la mémoire européenne. L’utilisation de l’anthropologie ou de la psychanalyse (une conclusion magistrale sur la naissance du sujet moderne) lui permettent de comprendre en profondeur le phénomène des bûchers de sorcières et de déterminer le rôle qu’il a eu dans la construction de notre identité politique et sociale.
- Une démarche qui remet à sa juste place la dimension religieuse du phénomène et qui, sans nier son importance, insiste sur l’importance du contexte dans lequel la religion s’incarne ce qui explique aussi ses évolutions.
- Le choix d’étudier l’Europe dans son ensemble et non un pays. Ce parti pris permet une réflexion sur l’identité européenne particulièrement importante aujourd’hui.
- La finesse avec laquelle l’A. fait place aux différences culturelles (ville, campagne) et géographique.
- L’attention aux problématiques liées à l’identité sexuelle ou aux tensions entre les générations.
- La présence de plusieurs cartes et tableaux pouvant faire office de support de cours.
Utilisation possible dans les programmes scolaires
Classe |
Discipline |
Thème |
Quatrième |
Histoire |
Les divisions de l’Europe chrétienne entre protestants et catholiques (xviie siècle). |
C.M.
Domaines religieux : Christianisme, Christianisme : Période : Réforme et Contre-Réforme, Christianisme : Origines et corpus : Théologie, Christianisme : Période : Renaissance, Christianisme : Politique et société : Relations avec l’État, Christianisme : Doctrines et courants : Églises protestantes, Christianisme : Rites et pratiques : Clergé, Christianisme : Doctrines et courants : Église catholique, Europe et Religions
Guide des ressources : Recherche : Ouvrages
Référence du document
Recension : « Muchembled Robert, MUCHEMBLED Robert, Le roi et la sorcière, l’Europe des bûchers (XVe-XVIIIesiècle), Paris, Desclée, 1993, 264 p. » 2007, , IESR - Institut d'étude des religions et de la laïcité , mis à jour le: 12/16/2016, URL : https://irel.ephe.psl.eu/ressources-pedagogiques/comptes-rendus-ouvrages/muchembled-robert-roi-sorciere-leurope-buchers-xve