Sommaire

Résumé

L’Alliance israélite universelle est une organisation fondée à Paris en 1860 qui s’est donnée pour mission la « régénération » par l’instruction des juifs des pays musulmans. Elle a créé un important réseau d’écoles dans le bassin méditerranéen où l’enseignement était traditionnellement dispensé en français. Le livre présente et commente des extraits de la correspondance qu’entretenaient les instituteurs et les institutrices de ces écoles, ainsi que les inspecteurs, avec le comité central de l’Alliance à Paris.

Il dresse d’abord le portrait du corps enseignant, composé en majorité d’anciens élèves recrutés parmi les meilleurs, formés à l’ENIO, l’École normale de l’Alliance, et envoyés dans les différents pays concernés. Issus le plus souvent de milieux modestes, ils remplissent leur mission avec dévouement et idéalisme, même si leurs conditions de vie et de travail sont parfois difficiles.

L’A. s’attache ensuite à décrypter le discours idéologique véhiculé par ces lettres. La régénération morale grâce à l’éducation, est le premier motif récurrent. Elle est au cœur de la mission « civilisatrice » que s’assignent les enseignants. L’éducation des filles revêt à leurs yeux une importance cruciale, de même que la transformation des Juifs en travailleurs productifs exerçant des métiers manuels et agricoles. La critique du judaïsme traditionnel, des superstitions et de l’obscurantisme des rabbins est fréquente dans discours des instituteurs. Ils évoquent souvent aussi la question des langues ; ils dénigrent les langues locales (le judéo-espagnol, le judéo-arabe), réservent l’hébreu à des fonctions religieuses et font de l’usage du français une priorité.

Dans la troisième partie du livre, l’A. s’attache à la description du rôle politique des enseignants de l’Alliance. Observateurs de la situation locale pour le compte des instances dirigeantes, ils jouent aussi un rôle d’intermédiaire entre les communautés juives et les autorités locales ou consulaires. L’œuvre de protection des Juifs, primordiale au début de la période, se mue en œuvre de promotion et d’émancipation. Au Maghreb ils militent pour la naturalisation française, tandis qu’ailleurs ils défendent l’intégration des Juifs dans le pays où ils vivent. L’Alliance s’oppose, sur le plan idéologique, au sionisme dont les instituteurs rapportent les progrès locaux avec inquiétude. Sa position de soutien au colonialisme européen la met aussi en porte-à-faux avec les nationalismes musulmans pourtant nés du même processus d’occidentalisation. Les lettres des enseignants se font l’écho de ces problèmes, des troubles qui agitent la Palestine et des manifestations d’antisémitisme.

L’action de ces maîtres d’école, à la fois pédagogique, idéologique et politique en fait des acteurs majeurs dans l’histoire moderne des communautés juives en terre d’islam.

• Domaine : judaïsme.

• Sous-domaine : Histoire des Juifs

• Profil ouvrage : grand public

Points forts

• La transcription dans leur entier des lettres d’instituteurs et d’institutrices. Ces documents inédits sont étonnants, ils font vivre ces acteurs peu connus de l’histoire du judaïsme, leur idéalisme, leur volontarisme face aux difficultés quotidiennes qu’ils rencontrent. Les liens affectifs qui les lient à l’organisation et à ses dirigeants sont particulièrement touchants.

• Les portraits très vivants, grâce à ces documents, de communautés juives du Moyen Orient et du Maghreb aujourd’hui disparues.

• Une analyse de l’idéologie qui sous-tend ces lettres. L’A. souligne avec beaucoup de nuances les différentes composantes juives, occidentales et françaises de l’idéologie de l’émancipation, qui se fonde sur la Haskalah, le mouvement des Lumières juives, et sur l’héritage de la Révolution française.

Utilisation possible dans les programmes scolaires

N.G.