Sommaire

Résumé

Recueil de onze études parues entre 1987 et 2000, cet ouvrage a pour objet l’évolution du rapport à l’image dans la chrétienté médiévale. La première partie (Une longue histoire) retrace le destin médiéval de l’image depuis Grégoire le Grand, qui lui assignait une fonction essentiellement mémorielle et didactique fondée sur la comparaison des lettres écrites dans un livre et des images peintes sur les murs d’une église. Il considérait aussi, toutefois, que la vision d’une image pouvait susciter une « ardente componction », phénomène qui ne cessa de gagner en importance au cours des siècles médiévaux. On reconnut à l’image, prise en charge par les ordres religieux au tournant du millénaire, une capacité à émouvoir (notamment pour l’image du Christ souffrant) et, dans la tradition du néoplatonisme chrétien, un rôle de médiation entre l’homme et Dieu. Au XII^e siècle, dans les écrits de l’abbé Suger et l’église qu’il fit construire à Saint-Denis, l’image fut ainsi affirmée « comme instrument de la contemplation de Dieu » (p. 100), c’est-à-dire dans toute sa capacité à transporter celui qui se laissait émouvoir vers les réalités du monde céleste. En passant par le corps du visible, paradoxalement, elle donnait ainsi accès à l’ineffable.

Le second volet est consacré au culte des images, qui s’affirma principalement à partir de l’An Mil et marqua une étape essentielle dans l’émancipation de l’image religieuse par rapport à l’écrit. L’auteur scrute le lien qui s’est peu à peu établi entre image matérielle et image visionnaire, dont témoigne notamment la multiplication des statues-reliquaires. La vision promouvait de nouvelles images cultuelles, mais s’insérait aussi dans des processus qui avaient une autre dimension, comme lors de la redécouverte d’une image achéiropoiète transportée en un lieu à la fonction politique évidente. Intimement liée au culte des reliques et au fait miraculeux, l’image en deux ou trois dimensions se répandit en Occident, à l’instar du Volto Santo (« Sainte Face ») de Lucques, dupliqué grâce à l’influence des marchands toscans. Enfin, la troisième partie (Rêves, visions, fantasmes) poursuit l’exploration d’un thème cher à l’auteur, le rêve, conçu au Moyen Âge comme la manifestation du surnaturel. L’auteur s’intéresse en particulier à la dialectique entre les « images intérieures », fruit de visions oniriques, et les images réelles qui les représentaient. Au cœur des processus mis en branle, l’imagination, produite par l’âme et capable de transformer, dans sa chair, celui qui contemplait une image sainte.

Points forts

• Un objectif méthodologique, qui vise à définir quelle doit être l’approche de l’image — donc de l’art — d’un historien, afin d’éviter en particulier un écueil majeur : aborder une image comme on aborde un texte.

• D’utiles références aux débats intervenus dans la chrétienté orientale et au sein du judaïsme, afin de mieux présenter les choix de l’Occident médiéval : ceux-ci ont convergé vers une « voie moyenne », entre adoration et rejet des images, et une faible normalisation de l’art. Ce livre est donc aussi une contribution à l’histoire de l’esthétique occidentale.

Utilisation possible dans les programmes scolaires

LV