Notes, bibliographie (p. 343-382), index (noms de personnes et de lieux).
Sommaire
Résumé
L’objet de ce livre est de comprendre comment s’est faite l’évolution qui, du VIIe au XIIe siècles, a mené à la coexistence spatiale des vivants et des morts, dans les campagnes comme dans les villes, ainsi qu’au rassemblement des restes de ces derniers en des lieux d’inhumation publics. Cette terre cimitériale (terra cimiteriata) devint un espace social, puisque y reposaient des défunts considérés comme faisant partie intégrante de la communauté spirituelle formée par l’ensemble des fidèles. Le travail de l’auteur est donc aussi une enquête sur l’Église (ecclesia) et sur la façon dont elle s’est inscrite dans l’espace, autour de lieux, le cimetière et l’église, qui furent des éléments essentiels dans l’ancrage local des populations. Par là même, il s’agit de concentrer l’analyse sur les mécanismes de production du sacré, donc sur les actes de consécration, que celle-ci ait touché des personnes, des objets, des édifices ou des lieux. La première partie de l’ouvrage (Des lieux sacrés, saints et religieux) s’intéresse aux processus ayant permis d’inscrire le sacré dans l’espace, en un phénomène de « polarisation sociale » autour des lieux de culte et des zones funéraires. Ces dernières ont débouché sur la constitution du cimetière, dont l’auteur cherche à tracer les contours dans un second volet (Terra cimiteriata) qui est aussi l’occasion, en un chapitre VI magistral (« La forme du sacré »), d’énoncer certaines propositions plus générales sur la place du lieu sacré dans les représentations et les structures sociales médiévales. Enfin, la troisième partie présente, en un chapitre unique, les questions que posa la volonté de contrôle des cimetières par l’Église (Possessions et usages de la terre cimitériale). L’auteur choisit ici de partir des exégèses d’un récit biblique — la fondation par Abraham du tombeau des Patriarches à Hébron (Genèse, 23) — et de les confronter à ce que l’on peut percevoir des pratiques sociales. Ainsi, à partir des XIIe-XIIIe siècles, les autorités de l’Église ne cessèrent d’interdire les activités profanes et non ecclésiastiques dans les cimetières, quitte à s’attaquer à des coutumes séculaires, tout en incitant les fidèles à venir y prier pour leurs défunts. Par là même, dans l’esprit des clercs, « le cimetière fut dès lors moins le lieu où les ancêtres confortaient les actes des vivants que celui, effrayant, où les vivants devaient contempler leur mort future » (p. 268). Une bascule majeure s’était ainsi effectuée, puisque l’on était désormais bien loin du désintérêt qu’avaient manifesté les Pères de l’Église à l’égard de la localisation du culte chrétien.
Points forts
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Pour l’analyse des mutations essentielles intervenues, au Moyen Âge « central », dans les rapports de l’homme à la mort, un ouvrage étroitement complémentaire des travaux de Dominique Iogna-Prat1 et Cécile Treffort2.
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La volonté de rompre avec une vision simplificatrice trop souvent répandue : celle d’un sacré conçu comme une force transcendante et omniprésente mais ne se dévoilant que ponctuellement aux hommes. Or, « le sacré médiéval résultait de techniques rituelles ; il n’était pas diffus, mais se concentrait en des points précis : personnes, lieux et objets » (p. 17).
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Une démarche fortement marquée par les apports de l’anthropologie et de l’archéologie, mais dont la pierre de touche demeure l’analyse serrée des données textuelles issues des discours savants (théologie, liturgie, droit).
LV.
1 Voir la fiche sur IOGNA-PRAT Dominique, La Maison Dieu : une histoire monumentale de l'Église au Moyen Âge (v. 800 - v. 1200), Paris : Seuil, 2006, 683 p. <http://www.iesr.fr/index4803.html>.
2 Voir les fiches sur les ouvrages de Cécile Treffort <http://www.iesr.fr/index3365.html>
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Référence du document
Recension : « Viallet Ludovic, Lauwers Michel, LAUWERS Michel, Naissance du cimetière. Lieux sacrés et terre des morts dans l’Occident médiéval, Paris, Aubier, 2005, 393 p. » 2009, , IESR - Institut d'étude des religions et de la laïcité , mis à jour le: 12/16/2016, URL : https://irel.ephe.psl.eu/ressources-pedagogiques/comptes-rendus-ouvrages/lauwers-michel-naissance-du-cimetiere-lieux-sacres