Sommaire
Résumé
Sonder l’imaginaire de l’Occident chrétien et dégager l’image que ses producteurs se firent de l’islam et des musulmans durant toute la période médiévale, tel est le projet entrepris par P. S. La première partie (“ La naissance d’une image ”), attentive aux silences de l’Occident du haut Moyen Âge, rappelle que l’Europe barbare méconnaissait la prédication de Mahomet et la naissance de l’islam. Jusqu’au VIIIe siècle, deux civilisations très différentes coexistèrent en s’ignorant, une chrétienté occidentale refermée sur elle-même et un islam conquérant qui, pour une immense majorité d’Occidentaux, ne fit l’objet d’une représentation qu’après les raids et pillages qui prolongèrent la conquête sarrasine de la péninsule ibérique. L’image de cet “ autre ” s’élabora essentiellement en fonction d’une expérience conflictuelle, dont l’origine violente était rappelée avec passion et caricature par les milieux ecclésiastiques. Au IXe siècle, les clercs, comme le montre le quatrième chapitre, font du Sarrasin un être démoniaque, un guerrier païen et idolâtre et de l’islam, une hérésie souvent assimilée aux thèmes de l’Apocalypse et du Jugement dernier. L’islam est pour l’Église l’envers du christianisme, Mahomet l’Antéchrist. Si le discours normatif chrétien rencontre quelques obstacles dans les zones de contact entre les deux civilisations, il se renforce au moment précis où se développe le thème de la “ paix de Dieu ” (voir mouvements de paix) : avec la féodalité, le rival sarrasin devient le“ sacrilège ”, le “ félon ”, “ cible exotique d’une féodalité conquérante ” (p. 56) et objectif ultime de l’idéal chevaleresque, avant que ne se renforce, au bas Moyen Âge, un préjugé racial, celui du noir “ infidèle ”. La seconde partie (“ Rayonnement ”) s’attache à montrer comment et par quels moyens l’Église, qui encourage la croisade pour accomplir la revanche, se livre à une véritable offensive idéologique en direction du peuple de Dieu pour lui faire partager cette image. Les miniatures, la diplomatique, la littérature et les sculptures participent à l’élaboration d’une vision déformée et orientée du Musulman, d’un Sarrasin vaincu, félon et enlaidi, d’un Prophète redécouvert par l’Occident au XIIIe siècle mais haï de tous. Au temps du rigorisme (chap. X), du combat contre l’ennemi devenu obligatoire, succèdent les “ premières fissures ”. L’A. s’attache dans un dernier temps (“ Le déclin ”) à la déconstruction progressive du modèle scolastique et à son affaiblissement à la fin du Moyen Âge. Dès le XIIe siècle, le négoce, la diplomatie, la politique de certains souverains chrétiens et l’activité des Clunisiens favorisent l’émergence d’une image nouvelle chez une petite minorité de lettrés : “ l’autre, l’ennemi, était doté d’une raison ” (p. 111). Ce discours trouva rapidement écho dans les récits des croisades (chap. XIII), qui firent du Sarrasin un adversaire paré de vertus morales et militaires incarnées par Saladin. Entre l’Europe et l’Islam se tissèrent des liens nouveaux fondés sur un intérêt scientifique, culturel et artistique commun : “ l’ennemi était promu au rang d’une civilisation très estimable considérée comme la digne héritière des traditions de l’antiquité grecque ” (p. 123) jusqu’à devenir, après le silence des armes, “ bien de consommation ” (p. 140) puis, après un ultime assaut (chap. XVIII), “ souci périmé ” dans la seconde moitié du XVe siècle.
- Domaine : christianisme
- Sous-domaines : Catholicisme. Moyen Âge. Renaissance. Images et représentations. Peinture. Littérature. Espace et territoires. Clergé. Ordres religieux. Représentations collectives et mentalités. Croyances. Théologie. Exégèse. Relations avec l’islam.
- Profil : Ouvrage spécialisé
Points forts
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Une synthèse claire, fondée sur la longue durée et le croisement des sources.
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La mise en évidence de l’évolution du sentiment chrétien et occidental vis-à-vis de l’islam permet de mettre à distance l’actualité contemporaine et de lutter contre un mal qui puise ses racines dans une image éminemment agressive, déformée et réductrice de “ l’autre ”.
Utilisation possible dans les programmes scolaires
Classe |
Discipline |
Thème |
Cinquième |
Histoire |
L’Église en tant qu’acteur essentiel de la Chrétienté occidentale médiévale (Moyen Âge) |
Seconde |
Histoire |
La Méditerranée au XIIe siècle, carrefour de trois civilisations : Islam, Chrétienté occidentale, Empire byzantin (Moyen Âge) |
Terminale |
Espagnol |
Facteurs de cohésion : la religion catholique |
Domaines religieux : Christianisme, Christianisme : Doctrines et courants : Église catholique, Christianisme : Rites et pratiques : Monachisme, Christianisme : Origines et corpus, Christianisme : Rites et pratiques : Clergé, Christianisme : Origines et corpus : Théologie, Christianisme : Arts : Peinture, Christianisme : Politique et société : Relations avec l’islam, Christianisme : Période : Renaissance, Christianisme : Période : Moyen Age, Christianisme : Arts : Littérature
Guide des ressources : Recherche : Ouvrages
Référence du document
Recension : « Sénac Philippe, SÉNAC Philippe, L’Occident médiéval face à l’Islam. L’image de l’autre, Paris, Flammarion, 2000, 2e éd. (1e éd. 1983), 195 p. » 2007, , IESR - Institut d'étude des religions et de la laïcité , mis à jour le: 12/16/2016, URL : https://irel.ephe.psl.eu/ressources-pedagogiques/comptes-rendus-ouvrages/senac-philippe-loccident-medieval-face-a-lislam