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Claude Langlois (1937-2024)

27/07/2024

Sommaire

Claude Langlois est mort le 26 mai dernier. Spécialiste du catholicisme de l'époque contemporaine et en particulier du versant féminin de ce catholicisme, il avait aussi été doyen de la Ve section de l'EPHE et chargé avec Régis Debray de lancer l'IESR (aujourd'hui IREL) en 2002, dont il fut le directeur jusqu'en 2005. 

Agrégé d'histoire en 1963, il est d'abord professeur d'histoire à Bamako puis au Havre avant de passer au CNRS en 1968, en poste aux universités de Créteil (1972) et Rouen (1985), avant d'être directeur d'études à l'EPHE à partir de 1993 (Histoire et sociologie du catholicisme aux 19e et 20e siècles). Comme l'écrivait en 2013 l'historien américain Timothy Tackett, autre grand spécialiste de la période révolutionnaire, dans son article The Work of Claude Langlois, An Overview (Le travail de Claude Langlois, Un aperçu), 

«Claude Langlois a toujours eu finalement quelque chose d'extérieur à l'élite des historiens français. Il n'a pas été à l'École normale supérieure. Il n'a jamais été le protégé de quelque maître que ce soit, à part pour un temps René Rémond. Et bien qu'il ait été influencé au début de sa carrière par la sociologie religieuse et par des universitaires aussi variés que Jean-Marie Mayeur, Émile Poulat, Louis Pérouas et Michel de Certeau, il ne s'attacha jamais véritablement à une école historique particulière. Il s'est lui-même décrit dans un entretien comme "indépendant". Il a toujours été disposé à un cheminement propre, suivant son itinéraire original et quelquefois imprévisible, ainsi que son apparemment insatiable curiosité. Bien plus tôt que beaucoup de ses collègues français, il était préparé à explorer et utiliser un choix eclectique de méthodologies et de sources, au delà du domaine traditionnel de l'historien - depuis la quantification informatique jusqu'aux modèles des sciences sociales et à l'analyse iconographique - selon la thématique et les problèmes qu'elle pose. C'est peut-être à cause de tout cela que l'ensemble de son œuvre est marqué par l'originalité, un penchant pour l'analyse "à contre-fil", le refus d'accepter les explications faciles et les assertions non vérifiées. Il a démontré un talent particulier pour repenser et "complexifier" nos interprétations du passé sur une étonnante série de questions historiques». 

Tackett identifie «quatre axes de la pensée historique auxquels il contribua de façon particulièrement importante. Elles marquent aussi jusqu'à un certain point les quatre phases de sa carrière de chercheur mais pas nécessairement dans l'ordre chronologique: la sociologie religieuse historique, la Révolution française, les femmes et la religion, la théologie et la spiritualité». Pour la sociologie religieuse, il mentionne la thèse sur le diocèse de Vannes autour de la Révolution (Un diocèse breton au début du 19e siècle, 1974), son rôle actif dans le groupe de La Bussière et aux Archives de sciences sociales des religions. Pour la Révolution, ses travaux sur le diocèse de Vannes et sur le plébiscite de l'an VIII (1972) ont mené à la chaire d'histoire de la Révolution à Rouen en 1985, sans parler des études sur les prêtres mariés, la population en 1789, les caricatures et la direction de l'Atlas de la Révolution française (1987-2000). Pour les femmes et la religion, cela commença dès 1972 avec le livre sur les tiers-ordres en Bretagne puis sa thèse d'État de 1982 (Le catholicisme au féminin, 1984) sur les congrégations religieuses au 19e siècle, Pour la théologie et la spiritualité, ses travaux sur l'abbé Migne ou le contrôle des naissances. Les nombreux livres et articles sur Thérèse de Lisieux à partir de 2000 peuvent être considérés à la jonction de ces deux derniers axes: 

«Ces dernières années, continue Tackett, Langlois a consacré l'essentiel de son effort de recherche à la vie, aux écrits et à l'interprétation de la figure fascinante mais énigmatique de Thérèse Martin, plus connue comme sainte Thérèse de Lisieux (1873-1897). Entre 2000 et 2011, Langlois a consacré pas moins de neuf livres et douze articles et chapitres à ce sujet. (...) Sainte Thérèse a eu une influence énorme en France et dans le monde catholique au début du vingtième siècle. Aucune autre personne n'a peut-être été plus vénérée et admirée par les poilus français combattant dans les tranchées de la Première Guerre mondiale. Bien que la plupart de ses travaux utilisent les approches plus traditionnelles de la biographie et de l'exégèse textuelle, ils reflètent aussi l'intérêt précoce de Langlois pour la religion des femmes, la spiritualité féminine et l'anthropologie de la sainteté. Dans le contexte de la longue historiographie consacrée à la fameuse carmélite, les analyses de Langlois défrichent de nouveaux terrains en insistant sur la Thérèse autrice et théologienne tout autant que figure spirituelle. Bien sûr, on ne peut pas oublier qu'elle a été rapidement qualifiée par l'Église non seulement de sainte mais aussi de "docteur de l'Église", l'une des trois femmes à qui ce titre a été octroyé. De ce point de vue, l'analyse de ce que Langlois considère comme l'anticléricalisme de Thérèse et son désir féministe de devenir prêtre est ce qui apparaît comme le plus étonnant».

Au début des années 2020, Claude Langlois publie encore deux ouvrages majeurs sur les abus sexuels (On savait, mais quoi ?, 2020) et sur la militante catholique Madeleine Delbrêl (La femme du Seigneur, 2022). L'EPHE lui a rendu hommage en 2023 avec l'ouvrage collectif Pour une histoire sociale et culturelle de la théologie.

 

Lire Le travail de Claude Langlois, Un aperçu, traduction de l'article de Timothy Tackett, The Work of Claude Langlois: An OverviewHistorical Reflections/Réflexions Historiques 39/1 (printemps 2013, Special Issue: Claude Langlois's Vision of France: Regional Identity, Royal Imaginary, and Holy Women), pp.8-21. Lire aussi dans ce numéro le texte de Claude Langlois: Quarante années de production historiographique (1971-2012): Réflexions sur un parcours atypique.

 

 

 

Illustration : quelques uns des livres de Claude Langlois (Le catholicisme au féminin en 1984, Le désir de sacerdoce chez Thérèse de Lisieux en 2002, Thérèse de Lisieux et Marie Madeleine en 2009, Catholicisme, religieuses et société en 2011, Thérèse de Lisieux et la miséricorde en 2016, Le continent théologique en 2018, On savait mais quoi ? La pédophilie dans l'Église de la Révolution à nos jours en 2020, Michel de Certeau avant Certeau en 2022.

 

Lire aussi :

Le texte de Denis Pelletier sur le site de l'EPHE

La notice sur Claude Langlois sur le site de l'EPHE

 

 

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